Radiohead

L’acteur Julien Broquet
Anomalie musicale et commerciale, le groupe restera l’un des plus audacieux de l’histoire. Il était au Pukkelpop en août 2006.

D‘une certaine manière, Radiohead, c’est l’histoire de cinq types de la classe moyenne qui essaient de se faire une place au soleil. C’est sans doute pour ça que nous sommes si ambitieux. La majeure partie des groupes anglais ont honte de l’avouer, mais pour nous la conquête du marché américain est un véritable objectif. Nous avons trop d’ambition pour nous contenter de notre petit statut d’Européen, nous voulons aller beaucoup plus loin. L’Amérique est une sorte d’Himalaya inaccessible. Radiohead a besoin de ce genre de rêve. »


Ainsi parlait le guitariste Ed O’Brien en 1997 lors d’une interview dans Les Inrockuptibles. Cette année-là, alors qu’Oasis se prenait méchamment les pieds dans la moquette, la presse déroulait le tapis rouge pour OK Computer.

Avec le recul, et malgré notre amour des guitares, il n’est pas à nos oreilles la pièce maîtresse et le tournant de la carrière exceptionnelle menée par Thom Yorke et ses aventureux acolytes.

Le miracle, Kid A, il survient trois ans plus tard. Théâtre des délires et de l’expérimentation, il déconcerte, questionne, puis persuade. Persuade qu’il est et restera l’un des albums piliers de nos temps modernes. « Il a été notamment question à un moment de ne pas utiliser une seule gratte sur ce disque, explique le producteur Nigel Godrich, mais c’était juste une manière de se forcer à aller voir ailleurs. »

Un chant hanté, presque désincarné, un dépouillement glaçant, un ton électronique… Radiohead avait changé de cap. Et Thom Yorke tiré la sonnette d’alarme. Le groupe ne voulait pas nourrir une structure économique. « La rationalisation économique de la musique, c’est de la faute des eighties, affirmait alors Ed O’Brien. Dans les années 60 et 70, les gens se contentaient de sortir leurs disques, le concept de tournée de deux ans n’existait pas. Mais dans les années 80, il fallait maximiser les revenus, tout s’est professionnalisé et les tournées sont devenues la norme, indiscutable durant les années 90. Pendant sept ans, nous avons été les jouets de ce système, jusqu’à ce que nous soyons en position de force. Aujourd’hui, nous n’avons plus envie de grossir, nous avons même envie de rétrécir. »

Le groupe expérimente mais continue de vendre. Pourtant, Thom Yorke ne boit pas. Thom Yorke ne se drogue pas. Il est gentil, discret. Guère très photogénique. Il est une anti-rock-star.

Comment dès lors expliquer que, difficile d’accès, son premier disque solo, The Eraser, rencontre aujourd’hui un tel succès ? Qu’il se hisse jusqu’à la troisième place d’un Ultratop. « Je ne l’ai pas sorti par égocentrisme, ni d’une manière dictatoriale mais pour me libérer d’une routine devenue étouffante », affirme-t-il.

Une routine qui a mis en péril l’avenir du groupe. Ce jeudi, c’est néanmoins avec Radiohead que le chanteur lunaire se présentera au Pukkelpop, onze ans après sa première visite.

« Il fallait trouver une raison de revenir ensemble, ne pas se rassembler seulement parce que nous n’avons rien de mieux à faire, racontait-il récemment. Ça a pris du temps. Cette tournée est prévue depuis longtemps, avant même de savoir si nous aurions de nouvelles chansons à défendre. C’était quitte ou double. Ces concerts pouvaient nous remettre sur les rails ou nous tuer. »

Les échos sont rassurants. Les échos sont surprenants. Tous ceux qui ont vu Radiohead récemment insistent sur un retour au rock à guitares. Ce qu’on entend à chaque fois, vous nous direz, depuis la sortie de Kid A. L’un des grands mérites des Anglais est de toute façon de se retrouver là où on ne les attend pas. Beaucoup de nouvelles chansons existent. Les concerts sont pour l’instant, avec les bootlegs sur internet, le seul moyen d’y avoir accès.

Pour longtemps encore ? Il faudrait d’abord savoir sur quel label sortira le prochain disque du groupe ? « Il se pourrait qu’il ne s’agisse pas d’un album. On voulait sortir de ce format. Ce pourrait être un disque ou une tripotée de singles. Nous occupons désormais une position qui nous permet de nous foutre complètement de ce genre de considérations. »

« La belle brochette de crétins perfectionnistes pathologiques » (c’est Thom Yorke qui le dit) n’a pas encore tenté tout ce qu’elle rêvait d’entreprendre. Tant mieux.

ThomYorke : « The Eraser » (XL Recordings/Beggars)

1986

Thom Yorke, Phil Selway, Ed O’Brien, Colin Greenwood et son frère Jonny créent On a Friday. Le vendredi étant le seul jour où ils ont l’occasion de répéter.

1991

Premier concert sous le nom de Radiohead.

1993

Le single « Creep » les révèle au monde entier.

2000

Virage à 180 degrés. Sortie de l’indomptable « Kid A ».

2006

Tournée pour le groupe et premier disque solo pour Thom Yorke.

BROQUET,JULIEN

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2 Comments

  1. Pingback: In Rainbows : Radiohead : Frontstage

  2. iydqx

    11 avril 2008 à 4 h 41 min

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