Ancien musicien de Bertrand Burgalat, Peter Von Poehl a orchestré le dernier album de Lio et de Vincent Delerm. Ses comptines en solitaire caressent l’oreille depuis un an, déjà. Il en livre un échantillon, un des plus beaux qui soient, au ukulélé.
On aimerait avoir visité le quart du tiers des pays où Peter Von Poehl a traîné sa grande carcasse blonde. On aimerait, comme lui, pouvoir jouer ses morceaux sur un instrument acheté au Venezuela, comme il nous l’explique, en français dans le texte.
Parce que là aussi, il y a des continents entiers qui se promènent dans la tête de Peter Von Poehl, cet ange blond venu de Suède. Venu de Suède, échoué en France, aujourd’hui installé à Berlin. Copilote du dernier album de Vincent Delerm, « Les piqûres d’araignée » , ex-compagnon de route de Bertrand Burgalat, Peter Von Poehl vole, depuis l’été dernier, en solitaire, sous son propre nom. L’écrin cotonneux de son album « Going to where the tea trees are » est précisément inspiré de ses voyages, et de sa relation ambivalent avec son pays, à la fois étrange et familier.
[dailymotion x8q4xk]
S’il y a déjà un an que ses ballades nous trottent dans la tête, ce n’est pas seulement pour le dépouillement que certaines affichent : on entend des cuivres, on perçoit les allées et venues de choeurs enfantins qui font dériver ces morceaux vers des rivages moins purement folk, plus amples à l’occasion.
On avait pu apprécier la même capacité à se mouler dans des vêtements plus larges, au Botanique, en mai dernier, où le troubadour se produisait juste après The Kissaway Trail.
Pourtant, à cette heure-là, difficile surtout de se défaire de la sensation de carresse entendue deux heures plus tôt, quand Peter nous rejoint dans sa loge. Tout semblait pourtant mal débuter : trop de basses d’un soundcheck voisin, deux personnages pris pour des envahisseurs – et qui allaient se révéler être les musiciens du chanteur -, qui ne trouvaient rien de mieux qu’enfumer la pièce, les pieds sur les fauteuils, imperturbables.
La force de Peter Von Poehl est aussi là : au moment où il franchit la porte, tout semble devenir simple. Il y a plus que de la sérénité qui émane du personnage, une sorte de sagesse qui se lit dans ses yeux bleus transparents.
Peter a accepté sans sourciller le principe de la session ukulélé, comme quelque chose d’assez naturel pour lui. Son instrument l’accompagne d’ailleurs partout, si bien qu’on aurait pu imaginer capter les mêmes images dans un aéroport, entre deux bâteaux sans que cela ait changé quoi que ce soit pour lui.
Et puis il y a cette chanson, belle comme du Dylan et du Neil Young, hantée par un harmonica : « Going to where the tea trees are ». Un récit de voyage en plus, que l’on capture pourtant entre quatre murs, en s’y reprenant à trois reprises avant de parvenir au moment parfait. Pendant ce temps-là, Peter Von Poehl ne se sera pas départi une seule seconde de son calme, rejouant avec la même intensité son morceau. C’est, à ce jour, la plus courte des sessions ukulélé que nous avons enregistrées. Mais chaque seconde y vaut son pesant d’émotion. (C.Pt)