Great Lake Swimmers, ma cabane au Canada

Il faut bien l’avouer : ce n’est pas toujours la plus stricte objectivité qui nous guide dans le choix des artistes que nous invitons en “ukulélé session”, ce qui nous garde parfois de coller de trop près à l’agenda des sorties des maisons de disques. Quand on accueille Joey Burns de Calexico, c’est d’abord l’admiration sans borne qu’on voue au groupe qui prime. Quand on fait des pieds et des mains pour contacter les gars d’Okkervil River aussi. Quand on rejoint An Pierlé à Gand aussi. Idem pour Thomas Fersen, qu’on attendait de pied ferme à Bruxelles ce 13 décembre, depuis 9 mois. Forcément, puisqu’il faut bien reconnaître que le principe de nos sessions est pompé à 75 pc sur sa tournée actuelle. Autant le dire. On n’en est pas loin avec les Great Lake Swimmers.

S’il avait fallu ne tabler que sur chiffres de vente ou plan marketing, on aurait encore attendu longtemps avant de braquer nos caméras sur ces Canadiens absolument troublants, découverts en 2003 avec un premier album de country-folk désolé “Moving Picture Silent Films”. Un premier essai trop confidentiel qu’on avait rangé aux côtés des disques plus anciens de Palace ou d’Elliott Smith. “Ongiara”, leur dernier disque paru cette année, lui, est resté en permanence à portée de main, en compagnie de l’excellent “Loney Noir” de Loney, Dear.
Mélancolie, quand tu nous tiens…C’est elle qui s’invite au menu de la plupart des chansons écrites par le meneur du groupe, l’effacé Tony Dekker, qu’on imagine plus facilement perdu dans la contemplation des paysages canadiens que dans le stress et le strass d’une vie citadine. Une guitare à la main, un feu de bois et cette voix qui plonge dans les profondeurs; il n’en faut pas plus pour révéler ces chansons, qu’on a pu entendre récemment à l’Ancienne Belgique, en première partie de José Gonzales.
C’est d’ailleurs sous cette forme qu’elles sont les plus touchantes, Tony Dekker seul avec sa Seagull, pour “Passenger Song” ou le plus ancien “This Is Not Like Home”.
C’est sans trop y croire qu’on avait posté la demande au groupe pour une session acoustique, qui suppose toujours que le groupe se prête à une sorte de ‘deal’ : nous offrir un mini-concert, alors qu’il s’apprête à jouer sur scène, une ou deux heures après. Mais c’était aussi sans compter sur l’infinie disponibilité de Tony Dekker. A qui on avait proposé de jouer “Your Rocky Spine”, magnifique ballade country, qui ouvre “Ongiara”, et le moins enjoué “Where In The World Are You”. Et qui avait préparé son coup, transposant les accords du morceau pour l’ukulélé. Le reste, ce qui s’est produit ce soir là dans les coulisses de l’Ancienne Belgique, c’est de la pure magie: cette mini-scène improvisée, sur un charriot de fortune, le groupe qui sourit à l’idée de le faire voyager, sur quelques mètres.
Sans doute, les chansons, si intenses, n’en avaient-elles pas besoin, s’est-on dit en sortant du concert ce soir-là. Sans doute se suffisaient-elles à elles-mêmes et le petit jeu auquel on s’est livré avec les trois musiciens était-il superflu. On s’en est même voulu, et ouvert au chanteur, de n’avoir laissé la pureté fascinante de ces chansons en l’état, de capter le groupe dans ses loges, ou ailleurs, qu’importe l’endroit, de ne pas couper les caméras, même, et ne laisser que les micros branchés, juste une seule fois, et écouter tout ça les yeux fermés. Ce qu’on ne cesse d’ailleurs de faire depuis. On a trouvé avec qui passer l’hiver au chaud.

CEDRIC PETIT

http://www.greatlakeswimmers.com/

myspace.com/greatlakeswimmers


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