La nouvelle vie de Jamie Lidell

Il y a des gens qui déboulent toujours là où on ne les attend pas. Ceux qui tourneront systématiquement à droite alors qu’on leur demande de tourner à gauche, ou ceux qu’on chasse par la porte et qui reviennent par la cheminée. Ce garnement de Jamie Lidell est un peu de cette trempe-là.

Après une dizaine d’années d’expérimentations électroniques – Super Jamie a également été la moitié du tandem électro-funk Super Collider –, le talentueux Anglais s’offre, avec Jim, une expédition soul/funk aussi emballante que surprenante de la part de ce pilier du label laboratoire Warp.

Mais Jamie Lidell n’en démord pas : il entend bel et bien réhabiliter l’âge d’or de la Motown et d’Atlantic, en le mettant au goût du jour. « Je ne me fais pas d’illusion, nous a expliqué Jamie, de passage à Bruxelles. Je sais que ce nouvel album ne va pas me rapporter énormément d’argent. En même temps, s’il pouvait s’écouler à plusieurs millions d’exemplaires, ce serait drôle, hilarant et merveilleux. Ce qui me permettrait de payer mes dettes. Ceci dit, si j’en vends 100.000, ce serait déjà un beau succès. Mais le business a tellement changé qu’il devient de plus en plus difficile de se faire de l’argent. Aujourd’hui, la seule façon de rentabiliser est de partir en tournée. C’est ce que fait Justice, par exemple. Et là, ça devient rentable, parce qu’ils font énormément de concerts. C’est sans doute pour cette raison que j’ai tourné beaucoup ces cinq dernières années, mais en solo. J’ai eu beaucoup de chance, parce que j’ai partagé une tournée américaine avec Beck, ce qui m’a permis de me faire connaître à travers de grosses émissions de télévision. Ça m’a même permis de rencontrer Rick Rubin, chez lui. »

Une certaine folie douce et ludique

Si Jamie Lidell a eu la bénédiction du fameux producteur américain, c’est surtout parce que Jim bénéficie d’une production d’orfèvre, signée par Lidell lui-même et son alter ego, Mocky. « J’arrivais en studio avec des idées de chansons, mais comme je ne suis pas spécialement musicien, je chantonnais plusieurs parties d’instruments ou d’arrangements et Mocky s’occupait de concrétiser mes désirs les plus fous. »

Il émane du très dansant Jim – on pense à Prince, Marvin Gaye ou Jamiroquai – une certaine folie douce et ludique d’où émerge une volée de tubes en puissance, à l’image de « Green light », par exemple. « Ce morceau semble le préféré de plus d’une personne, sourit Jamie. Autant chez les musiciens que chez les fans de musique tout court. »

On succombe aussi au très festif « All I wanna do », qui distille un message universel, voire hédoniste. « C’est plutôt une chanson où il est question de remonter la pente après une période difficile. Je me suis inspiré d’un poème de William Burroughs, où j’ai détourné une ligne. Qu’est-ce qui peut nous sauver lorsque nous sommes déprimés ? Ce sont les couleurs, c’est ce qui me requinque, en tout cas. La couleur d’un mur, d’une affiche ou d’une plante peut changer ma façon d’aborder une journée. Si tu vis dans un monde entièrement gris, il y a de fortes chances pour que tu déprimes. C’est comme si tu t’amusais à opposer le Brésil et l’ex-Allemagne de l’Est. À moins de prendre énormément de drogue, les Brésiliens ont plus facilement le sourire. »

Et cette corde de sable (« Rope of sand ») ? « C’est un mythe, cette image. Je pense que ça a à voir avec une certaine tradition bouddhiste, parce que ça évoque l’attachement matériel et illusoire à quelque chose. Comment peut-on être lié à une corde de sable ? Si ce nouvel album est sans doute commercial – je ne le nie pas –, j’avais envie de le clore par une chanson plus profonde et philosophique. »

Jim (Warp – Rough Trade).

PHILIPPE MANCHE,

La chronique du concert (mercredi 7 mai, au Chapiteau, avec Gotye).

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