Difficile de poser des choix ce jeudi aux Nuits vu le nombre de concerts prometteurs proposés dans les différentes salles. Pourtant, la frustration de ne pas pouvoir se démultiplier pour tout voir s’est progressivement diluée avant de disparaître complètement au terme de deux concerts tout simplement énormes !
La concurrence était donc rude en ce jeudi de festival et à ce petit jeu c’est l’Orangerie qui en est ressortie perdante. Mais uniquement en termes de fréquentation. L’audience est en effet particulièrement clairsemée quand on arrive pour le tout début du set des Américains de Apse.
On est d’emblée happés par le véritable mur du son érigé par le groupe. Un mur du son impressionnant qui s’attaque, en vrilles, aux tympans et dans lequel il est foutrement bon de plonger tête baissée. Si l’on pensait, c’est le nom des Ecossais de Mogwai qui viendrait d’emblée à l’esprit mais, à ce stade, on ne pense plus : on s’abandonne. Le post-rock n’est pas mort, il vit plus que jamais et nous balance une grande claque en pleine poire. Jamais Apse n’a atteint pareil degré d’intensité dans ses enregistrements studio (une poignée d’EP’s et un album, « Spirit », sorti à l’origine en 2006), mais s’il parvient un jour à capter ne fut-ce que la moitié de l’essence de ses prestations scéniques (une première gifle nous avait déjà été assénée l’an dernier à Barcelone au festival Primavera), la galette promet de faire des ravages ! Progressivement, les guitares se font moins furieuses et se fondent dans des ambiances fascinantes au milieu desquelles surnagent des rythmiques totalement hypnotiques. On commence seulement à atterrir que la scène est déjà vide. Respect.
On a beau en voir par dizaines chaque année, il est certains concerts qui ont le don de nous plonger dans des états d’excitation tout à fait enfantins. Ainsi, quand on entend, le poil dressé, résonner au loin les premiers accords de « Stormy High », grandiose plage d’ouverture du dernier album de Black Mountain, une seule idée vient à l’esprit : fendre la foule amassée devant le chapiteau pour assister en première ligne à la prestation des Canadiens. Black Mountain, c’est le noyau central d’une passionnante nébuleuse canadienne évoluant sous la bannière de la Black Mountain Army, collectif rassemblant des groupes tels que Blood Meridian, Pink Mountaintops ou encore Lightning Dust. Black Mountain, c’est surtout LA révélation rock de ce premier semestre 2008.
Même si le groupe avait déjà sorti un bon premier album éponyme dès 2005, rien n’augurait en effet la tornade « In The Future », deuxième album paru en janvier dernier. Guitares seventies limite metal à la Black Sabbath, synthés et visuels floydiens, étirement des morceaux à la Led Zep : sur papier, tout ça n’a pourtant rien de très sexy, encore moins de branché. C’est que Black Mountain n’en a rien faire des modes. Et ce que certains n’hésiteront pas à taxer de « passéisme » tient en fait du pur génie.
Black Mountain c’est un son, une alternance de rock couillu et de plages contemplatives portées par la voix envoûtante d’Amber Webber (moitié de Lightning Dust, binôme plus délicat mais également hautement recommandable). Et en live le plaisir est d’autant plus grand. Quand retentit l’intro de « Tyrants » c’est carrément l’explosion des sens ! Le groupe fait un sans faute, passionnant de bout en bout, impressionnant par son singulier savoir-faire et confirmant avec éclat qu’il fait figure aujourd’hui de fantastique cas à part.
Une nuit placée sous le signe du trip donc. Les consommateurs de LSD et autre mescaline devaient être aux anges. Les autres, quant à eux, n’avaient vraiment pas besoin de ça pour planer. La musique, ce jeudi, était, à coup sûr, la plus puissante des drogues. (N.Cl)
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