Il faisait chaud comme dans un four ce dimanche au Cirque Royal. Une atmosphère lourde et brûlante à la limite du tenable mais en parfaite adéquation avec les meilleurs moments d’une Nuit électrique et orageuse ponctuellement déchirée par une série d’éclairs saisissants. Le coup de foudre n’était pas loin…
Une jolie découverte ouvre les hostilités : l’Américain (ils le sont tous ce soir) Matthew Cooper alias Eluvium. Eluvion en français. A savoir, ce qui demeure suite à la désagrégation d’une roche. Quand les lumières se rallumeront ce soir, que l’on regagnera, chacun de son côté, nos pénates, la musique d’Eluvium, c’est sûr, aura fait dépôt. On en gardera quelque chose, ici, à l’intérieur. Le compliment n’est pas forcé. C’est un homme seul qui s’avance, sans mot dire, sans micro, avec une guitare, un laptop et un clavier. Cooper procède par couches ou plutôt par strates, pour rester dans le champ lexical géologique. Il joue quelques accords à la guitare, qu’il boucle puis sur lesquels il en joue d’autres puis d’autres qui s’entrelacent, volutes sonores que notre homme vient bousculer en maltraitant son instrument : le tonnerre gronde, tout droit sorti, semble-t-il, d’une armée de six cordes. Mais quand on ouvre les yeux, c’est le même homme, seul et malingre, sur sa chaise, qui calme la tempête jusqu’au silence. Les plages sont longes, évolutives – entrecoupées d’intermèdes au clavier tout simples, à la beauté plus directe – et n’ont rien à envier au meilleur d’un post-rock ambient, contemplatif, à l’occasion épique ou rageur.
http://www.myspace.com/eluviumtaken
De rage, contenue puis libérée à grands coups de décharges électrisantes, il est bien question avec ces habitués des salles bruxelloises (ils ont joué aux Nuits en 2004, à l’Orangerie en 2005, à l’AB en 2007) que sont les texans d’Explosions in the Sky. Le micro à l’avant-scène ne servira au groupe qu’à dire bonjour et au revoir : comme Eluvium (qui a quitté la scène sur un simple signe de la main), les membres d’Explosions préfèrent se taire pour laisser parler la musique. Une musique dans laquelle, pour le coup, on a du mal à rentrer. La faute sans doute à un début de setlist quelque peu discutable qui donne à la musique du groupe une allure intello et poseuse, tares qui guettent inexorablement ce genre constamment sur le fil qu’est le post-rock. Les musiciens se font plaisir, pliés théâtralement sur leur instrument (à moins que ce ne soit leur nombril ?), gratouillant à l’infini, le front plissé, la tête sans doute dans les étoiles, multipliant les ruptures et les changements de ton. On apprécie, de loin, le savoir-faire, mais de là à être touché, la marge est encore grande. Progressivement, le propos se fait heureusement plus ramassé, plus poignant, entre envolées chaotiques, romantisme échevelé et minimalisme quasi ascétique. Les explosions, de plus en plus nombreuses, prennent aux tripes et le concert s’envole dans un climat d’apocalypse qui hérisse le poil et nous laisse… sans voix. La fin du monde – triste, émouvante, comme folle ou apaisante – a enfin trouvé sa bande son.
http://www.myspace.com/explosionsinthesky
Entre ces deux groupes si éloquemment muets, on ne comprend pas bien ce que faisaient les New-yorkais de Dirty Projectors, formation faisant grand cas justement de ses (pénibles) jeux et expérimentations sur les voix. On pense par moments au travail d’une Björk ou aux délires d’Animal Collective mais sur une musique, volontiers expérimentale, qui aurait puisé sa source dans le Graceland de Paul Simon. N’est pas Vampire Weekend qui veut (Ezra Koenig et Rostam Batmanglij de Vampire Weekend ont pourtant tous deux joué un temps dans Dirty Projectors) et ce côté « pop africanisante » ne fait que plomber un peu plus les égarements vocaux de l’ensemble. Aussi vite vu, aussi vite oublié. ( N.Cl)
http://www.myspace.com/dirtyprojectors
Toutes les Nuits Botanique sont sur Frontstage
GLOUP
13 mai 2008 à 11 h 22 min
Je ne suis PAS DU TOUT d’accord avec la critique de N.CI concernant Dirty Projector. question inspiration, j’y vois plutôt un mélange entre Flaming Lips et31knots avec en plus un multitude d’accord jazz et des sonnorités presque créole.En fin un group qui CREE,c’est vraiment super original comme musique.comment on peu être considéré comme critique en utilisant des mots comme “égarement vocaux” ou en les qualifiant de pop africanisante.Pour moi, c’etait un concert tout a fait en accord avec explosions in the sky et surtout un exemple d’originalité pour tout musiciens
Kawa
13 mai 2008 à 11 h 57 min
Moi j’ai aimé à moitié les Dirty Projectors qui m’ont surtout séduite par les voix et le travail des compositions fortement basées sur ces fameuses envolées vocales. Cependant, de là à aller les comparer à 31Knots, il y a une grande grande marge. Les 31 Knots offrant bien plus dans la composition instrumentale que les Dirty Projectors où l’on peut trouver certains morceaux qui, si on leur enlève ces fameuses voix hypnotisantes, n’apportent rien d’original à ce qui a déjà été fait, surtout sur la scène new-yorkaise… De plus, Dirty Projectors est bien plus pop…
Tich
13 mai 2008 à 16 h 51 min
Pas du tout d’accord non plus avec le/la journaliste: j’ai découvert Dirty projectors dimanche soir et ça a été une véritable révélation. C’est jazzy, pop, comme vous voulez, mùais surtout c’est une musique aventureuse comme on en entend peu, jouée de façon ludique et précise, les filles ont de superbes voix, et le batteur est excellent. Mais les goûts et les couleurs… bonnes nuits à tous.
zimdel
14 mai 2008 à 1 h 07 min
Je vais dans le sens des réactions précédentes. Mis à part quelques petits accrocs, Dirty Projectors a fait une bonne prestation et est un groupe qui mélange de manière tout à fait sympathique des sonorités blues, jazzy et rock.
J’aurais plutôt tendance à penser à Eluvium si l’on en vient à aborder des “égarements musicaux” : morceaux beaucoup trop longs, musique sans personnalité…
A mille lieux des Explosions in the Sky en tout cas, magistraux une nouvelle fois encore. Sans aucun doute l’un des meilleurs voire le meilleur groupe de post-rok à l’heure actuelle.
N.Cl
14 mai 2008 à 15 h 21 min
@ GLOUP
la critique musicale se résume à rendre compte (d’un concert, d’un album) en donnant un avis personnel et assumé comme tel. Il ne s’agit pas d’une science exacte. Le parallèle avec 31knots m’apparaît plutôt fantaisiste mais si tu y as retrouvé des éléments de ceux là chez ceux ci alors tu dois avoir tes raisons.. Pour ce qui est de l expression “pop africanisante”, comme dit Kawa on ne peut pas nier le côté pop de l’ensemble, le “africanisante” renvoyant a ce qui a été dit à la sortie de l’album de Vampire Weekend..groupe avec lequel il me semble difficile de ne pas faire un lien (surtout que la moitié de Vampire a joué chez Dirty).
Pour ce qui est de l’originalité (toute brooklynienne ici… et donc pas si originale que ça, mais soit), personnellement je ne souscris pas à l’équation qui voudrait que Musique originale = bonne musique. Si c’est original et que ça ne me touche pas.. eh bien ça ne me touche pas et c’est ça que je retiens.
bien à toi
N.Cl
KOOEOADDI
15 mai 2008 à 16 h 56 min
Eh quoi ici, on fait son K-webeux ? ANIMAL COLLECTIVE n’est-il pas l’un des meilleurs groupes du monde ? Mais pourquoi donc le citer en référence dès qu’un groupe pète dans un sampler et s’amuse ensuite avec la reverb ? S’agit-il du syndrome MY BLOODY VALENTINE, cité à tort et à travers par tous les “critiques” rock trentenaires qui, dès qu’ils entendent une grosse nappe de guitare, écrivent dans leurs reviews KEVIN SHIELDS en grosses capitales qui clignotent ? Moi j’sais pas, je viens d’avoir trente ans et MY BLOODY VALENTINE ne me fait pas tellement bander. Ok, ça n’a rien à voir avec Explosions in the Sky et leur post-rock épico-romantique, mais quand même. ANIMAL COLLECTIVE est unique. Et ça fait plus de 5 ans que ça dure, pour ceux qui viennent de se réveiller. Moi qui pensait que “Le Soir se levait” tôt, m… alors.
KI
15 mai 2008 à 19 h 38 min
C’est bien, grand.
Au passage, Kweb s’en prend dans les dents, Le Soir aussi, pas grave, ils ont l’habitude. Dépeche-toi de nous filer l’adresse de ton blog qu’on puisse découvrir l’ampleur de ta science.
N.Cl
16 mai 2008 à 5 h 35 min
..euh oui moi je citais juste Animal Collective pour donner un vague repère hein, pas du tout incongru pour le coup. Ca n’enlève rien au caractère unique ou original du groupe, que tu revendiques. Te voilà rassuré j’espère…
Marc
16 mai 2008 à 14 h 32 min
Eluvium, je l’avais déjà vu en première partie d’Explosions et le verdict était le même: ennuyeux. C’est d’autant plus dommage que l’album Copia est très recommandable, avec un sens de la mélodie vraiment convaincant.
The Dirty Projectors, je en connaissais pas et c’est un peu raide à découvrir. A fouiller sans doute vu qu’il y a des moments très réussi, mais leur réticence à faire de la pop classique les pousse à des excès qui donnent l’impression qu’ils jouent chacun leur morceau parfois
Explosions In The Sky ne peut pas surprendre. Le style réclame trop de précision pour leur laisser la moindre latitude. Il n’en reste pas moins que le post-rock est une musique de niche (dans laquelle ne loge visiblement pas l’auteur de l’article). Ils ont balayé leur discographie en ne privilégiant pas leur dernier album. La sélection était un peu trop calme à mon goût, et j’ai un peu relâché mon attention après un First Breath After Coma lancé d’emblée. Mission accomplie évidemment.
Plus de mots et un peu d’images ici:
http://www.mescritiques.be/spip.php?article665