Portishead et The Notwist sacrent le printemps à Barcelone

portishead.jpgD’année en année, le festival catalan Primavera Sound s’impose un peu plus comme l’un des plus affriolants et pointus des grands festivals européens côté programmation. Avec ces petits plus non négligeables qui achèvent de rendre l’événement tout à fait indispensable : conditions climatiques plus que favorables (comme il est coutume en Espagne, le festival se déroule essentiellement de nuit tant les journées promettent d’être chaudes), superbe site (El Parc del Forum) et cadre idéal (en bord de mer).Autant de raisons qui poussent chaque année des Français en masse mais aussi quelques poignées de Belges à descendre vers Barcelone goûter au meilleur de la pop, du folk, du rock et de l’électro du moment, à un mois de l’ouverture des grands festivals estivaux.

Et ce jeudi, premier jour de cette édition 2008, avait tout de la soirée de festival idéale, alternant à son programme les plus excitantes des jeunes pousses révélées ces derniers mois avec quelques très belles valeurs sûres sur le retour.

Introduits, sur la pointe des pieds, par un gamin affublé d’un t-shirt du groupe, les new yorkais de MGMT peinent ceci dit quelque peu à convaincre en tout début de soirée, égrenant pourtant le meilleur de « Oracular Spectacular », superbe premier album au croisement improbable entre rock psyché et glam (une voix qui rappelle très souvent le David Bowie de la grande époque). Jamais facile, il faut dire, d’ouvrir les hostilités en festival, surtout quand grand vent et soleil de plomb sont de la partie. L’éthéré « Pieces of What » et un « Electric Feel » gentiment dansant élèvent légèrement le débat mais pour le meilleur moment du concert, régulièrement torpillé par des solos de guitare au goût pour le moins douteux et un mixage à peine digne d’une soupe en conserve, il faudra attendre un final (forcément) enfantin où le groupe arrête de jouer pour lancer un enregistrement de « Kids » sur lequel il fait bon, pour eux comme pour nous, de chanter en chœur en sautillant comme des ressorts. Les veinards qui ont eu la chance de les voir fin avril à l’AB club (aura-t-on jamais l’occasion de revoir pareil groupe dans un cadre à ce point intimiste ?) en garderont à coup sûr un bien meilleur souvenir.

Une remarque qui vaut également pour ceux qui étaient du concert de Vampire Weekend lors des dernières Nuits Botanique. Sur la nouvelle scène Vice du festival catalan, ces jeunes puceaux (il s’agit de leur toute première fois en terres espagnoles) très propres sur eux donnent le sentiment d’être un peu « justes », la faute sans doute aussi à un son trop faiblard. Pourtant, peu à peu, la prestation, musicalement impeccable, monte (comme les fourmis dans les jambes) en puissance. Et la pop de Brooklyn de nous faire fondre un peu plus à chacun des morceaux. A tel point que, le temps d’irrésistibles « I Stand Corrected » et « Walcott », le kwassa kwassa qui agite les corps des festivaliers se mue soudainement en pogos adolescents terriblement euphorisants. Décidément, on ne peut pas résister à Vampire Weekend et c’est fièrement qu’à la fin du concert on exhibe les profondes marques de dents que ces quatre-là ont laissé sur nos cous.

Si la jeune garde de Brooklyn s’en est donc au final bien tirée, il faut dire que ce sont surtout les anciens qui, ce soir, ont raflé la mise. A commencer par LA résurrection de 2008. Portishead fait logiquement son entrée sur « Silence » et ce n’est que le début de frissons et de levers de poils en cascade (avec une mention toute particulière à l’enchaînement « The Rip » – « Glory Box »). Les musiciens impressionnent par leur maîtrise musicale et Beth Gibbons, spectrale, habitée, bouleversante, jamais bêtement théâtrale ou emphatique, confirme qu’elle est bien la sidérante chanteuse que l’on dit. On pourrait reprocher à Portishead de livrer des interprétations trop proches (parfois à la note près) des versions albums que l’on connaît désormais par cœur, mais leur musique sonne tellement vraie, tellement belle sur scène que l’on a beau anticiper chaque instant du concert il ne nous en vrille pas moins le ventre du début à la fin. D’ailleurs, quand sur « Machine Gun », premier single suffocant et fascinant du récent « Third », le groupe invite un membre du crew Public Enemy (qui avait joué sur la même scène un peu plus tôt dans la soirée) à venir poser son flow sur ses rythmiques hypnotiques, la sauce ne prend pas. En fin de concert, « Roads » et « We Carry On » achèvent de nous mettre à genoux : magnifique !

Un peu plus tôt dans la soirée, ce sont d’autres ressuscités qui forçaient le respect avec leur rock indé teinté d’electronica (un son à vrai dire tout à fait unique et directement identifiable). Six ans après leur chef d’œuvre « Neon Golden », les Allemands de The Notwist ont enfin décidé de remiser quelques temps leurs ceci dit fort jolis projets parallèles (13 & God, Ms. John Soda, Console, etc.) au placard pour sortir un nouvel album. Paru début du mois, « The Devil, you + me », à défaut de révolutionner leur style, est un très bel album de plus pour The Notwist. En live, le groupe revisite essentiellement ce dernier opus tout en prenant soin de l’encadrer des deux plus beaux morceaux de « Neon Golden » (« Pick Up The Phone » en ouverture, « Pilot » en guise de final). On sent l’expérience des Allemands sur scène, alternant pures douceurs et déferlements rageurs avec la même classe et une intensité confondante qui donne terriblement envie de retourner voir le groupe dans une salle.

Une première journée de haut vol donc ici en Espagne. Si les prochains jours sont de cette trempe, le Primavera version 2008 promet de rester longtemps gravé dans les mémoires. A suivre donc…

Nicolas Clément

http://www.primaverasound.com/


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