Primavera Sound 2008 : un bon cru

primavera3.jpgSi Portishead était bien la tête d’affiche du Primavera Sound jeudi, ici à Barcelone, le festival proposait toute une série de groupes furieusement intéressants les jours suivants, sans toutefois jamais parvenir à renouer avec la grâce de sa première soirée. Tout en sachant qu’il est évidemment impossible d’avoir un avis exhaustif sur ce qu’ont proposé les cinq scènes de cet incontournable événement catalan et que l’envie de découverte nous a parfois poussés à faire l’impasse sur quelques valeurs sûres.

Vendredi : quand vulgarité rime avec majesté

Hasard de programmation, les meilleurs concerts vus ce vendredi, on les doit à deux groupes en « fuck » : Holy Fuck et Fuck Buttons. Deux groupes à voir impérativement cet été au Pukkelpop ! A bon entendeur…

Beaucoup crient déjà à l’album le plus fascinant de l’année et il faut bien avouer que « Street Horrrsing », premier effort du duo bristolien Fuck Buttons compte son lot d’instants magiques et électrisants. Un disque à écouter d’un bloc, les longues plages d’une drone noise évoluant par paliers s’enchevêtrant les unes dans les autres. Un choix reconduit sur scène pour un live qui suit (trop ?) fidèlement le fil de l’album. Un concert de bidouilleurs qui en appelle au plaisir des sens et ravit par la puissance de son son. Après Portishead jeudi, Fuck Buttons, dans un genre tout différent, confirme qu’à Bristol, si le trip hop est enterré depuis longtemps, on continue à faire de la musique tellement belle qu’elle en réveillerait les morts.

Tard dans la nuit, ce sont les Canadiens de Holy Fuck qui ont mis le feu aux poudres sur le site du Forum. On pense à Battles pour le côté répétitif et les rythmiques endiablées mais le cocktail, beaucoup moins glacé, est ici terriblement euphorisant. A tel point que le show se termine par un envahissement de scène qui n’a rien à envier aux récents débordements de joie qui ont animé la pelouse de Sclessin. Comme quoi, on peut être d’une implacabilité musicale quasi robotique et amuser les foules.

Si les concerts de Why ? et The Go ! Team s’avérèrent fidèles à ce que l’on en attendait, difficile d’en dire autant de celui des Sonics, véritables icônes du garage rock sixties. S’il est bien un groupe que l’on pensait ne jamais voir sur scène c’est bien celui-là. Quarante ans après, les Sonics sont de retour et, honnêtement, on aurait préféré qu’ils restent sagement à la maison. Plus que ses membres, c’est la musique du groupe qui est gagnée par l’arthrose aujourd’hui sur scène et entendre ces pures bombes de leur album inaugural de 65 que sont « The Witch », « Strychnine » et surtout « Psycho » dans des versions blues-rock archi pépère fait carrément mal au cœur. Affligeant.

Samedi : à l’heure des découvertes

Après deux jours de festival intensif aux horaires pour le moins éprouvants (arrivée sur le site aux environs de 18H, retour au bercail vers les 6H du mat’), fatigue, maux de dos, douleurs aux pieds et barre au crâne se font cruellement sentir. L’occasion de faire un saut dans l’Auditori, superbe salle sise juste à côté du site du festival proprement dit, à l’acoustique parfaite, aux fauteuils moelleux et qui accueille en fin d’après-midi et début de soirée quelques concerts plus « calmes », aux vertus, on l’espère, apaisantes.

C’est donc confortablement assis qu’on y attend l’arrivée de Scout Niblett. On en profite pour prendre le pouls du concert de Bon Iver qui jouait un peu plus tôt dans l’après-midi. Deux Bretons nous confirment ce que l’on imaginait aisément : « superbe ! ». On se mord les doigts de ne pas être arrivés à temps, en espérant avoir la chance de découvrir bientôt sur scène les perles de ce qui pourrait bien s’avérer être le plus beau recueil folk de l’année (« For Emma, Forever Ago », premier album à la splendeur jamais très éloignée de celle d’un Loney, Dear, sorti courant mai chez nous).
Dans ses meilleurs moments, la prestation de Scout Niblett nous plonge dans cette mer de coton électrisante que l’on était venu chercher mais le set se révèle dans son ensemble très inégal. On préfère, c’est certain, quand l’amie Scout se rapproche du folk obsessionnel et hanté de l’indépassable Cat Power de « Moon Pix » plutôt que quand elle fait parler la poudre lors d’envolées bruyantes, limite grunge dans l’âme, et à vrai dire un peu vaines. Il n’empêche que le temps d’un « Kiss » déchirant, l’état de grâce n’est vraiment pas loin.

Retour au grand air pour enchaîner avec quelques groupes que l’on connaît moins bien. A commencer par Fanfarlo, toute jeune formation londonienne à qui l’on doit une poignée de singles pop folk. La formule est chouette (de belles chansons fragiles qui s’étoffent peu à peu pour finir en envolées chorales à grand renfort de trompette et de violon) mais trop systématique. Si bien que l’on a l’impression d’entendre inlassablement la même chanson, déclinable à l’envi.
Rien à voir avec les bouillants Américains de Kinski, plutôt doués pour faire beaucoup beaucoup de bruit, mais nettement plus convaincants dans une veine noise qui évoque à l’occasion Sonic Youth quand dans un registre hard relativement bas du front.
Le concert de Menomena est déjà commencé depuis un moment quand on arrive, à point nommé, sur l’imparable « The Pelican ». Malgré une batterie excessivement tapageuse et des voix pas toujours très justes, le trio de Portland convainc grâce à la qualité d’écriture de son répertoire.

Derrière cette triplette de groupes que l’on découvrait sur scène, on ne résiste pas à la tentation de retourner voir les Anglais de Tindersticks, un mois à peine après leur prestation mémorable en ouverture des Nuits Botanique. Sur la même setlist mais en version légèrement allégée (festival oblige), Stuart Staples et les siens confirment à nouveau, et de superbe manière, leur retour en grande forme.

Dimanche : un petit tour et puis…

Pas grand-chose à signaler, par contre, sur la soirée de clôture du festival qui se déroulait comme de coutume à l’Apolo, très belle salle toute en boiseries du centre ville. Si ce n’est le concert des Russes, toujours aussi attachants, de Messer Chups dont le surf rock instrumental de série Z ferait une parfaite bande son pour un hypothétique nouvel épisode Grindhouse signé par le tandem Tarantino-Rodriguez .Une musique aussi référencée que le montage de vieux films de genres (ça va de grosses nichonnades à la Russ Meyer à des nanars du genre « Revenge of the creature » en passant par de la SF cheap ou une volée d’extraits de monster movies) projeté sur l’écran au-dessus de leurs têtes. Très très fun.

L’édition 2008 du Primavera Sound a donc vécu, nous laissant dans son ensemble un sentiment un brin plus mitigé que la fantastique cuvée de 2007. Le festival catalan n’en confirme pas moins son statut d’indispensable défricheur de talents, alliant à son programme vieilles gloires de l’indé (on aurait pu parler des concerts de Sebadoh ou de Dinosaur Jr.) et jeunes pousses en devenir. Rendez-vous est déjà pris pour l’an prochain…

N.Cl


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5 Comments

  1. lofredo

    11 juin 2008 à 0 h 08 min

    En effet, concert magique de Bon Iver. Et puisqu’on parle des vieux … Que dire des Public Enemy. On savait que Favour Flav était un guignol, mais là …

    Pour moi, une des grande decouverte fut A place to bury strangers.
    dans la catégorie” bruyant”, Boris a été une bonne surprise.
    Et puis bien sur Dinosaur Jr, parfait. Lou Barlow plus a son aise qu’avec son Sebadoh … Assez mauvais, son pitoyable, il fallait vraiment être fan pour reconnaitre les chansons.

  2. lofredo

    11 juin 2008 à 0 h 11 min

    du côté des groupes “hype” du moment, seul MGMT tire son épingle du jeux, et peut être midnight juggernauts … mais trop fatigué pour en dire quoi que se soi.

  3. N.Cl

    11 juin 2008 à 18 h 08 min

    Oui tout à fait d’accord pour Public Enemy et Sebadoh.
    Boris et A place to bury strangers jouaient malheureusement respectivement en même temps que Portishead et Fuck Buttons, et comme je disais plus haut il faut hélas poser des choix souvent cornéliens en festival…

    pour ce qui est des groupes hype, j ai pour ma part été assez déçu par MGMT (sans doute aussi à cause du son), je leur ai en tout cas de loin préféré Vampire Weekend, j en avais touché un mot ici:

    http://frontstage.lesoir.be/2008/05/30/portishead-et-the-notwist-sacrent-le-printemps-a-barcelone/

    et pour Midnight Juggernauts, je dirais que c’est surtout le final qui a fait décoller un concert jusque là un peu trop bourrin à mon goût

  4. lofredo

    11 juin 2008 à 20 h 27 min

    très drôle …
    Jay Mascis se ballade sur le festival, discute avec de teenager en skate, vu son look, on du penser que c’était la grand mère de nana Mouskouri.
    Et puis il s’amuse … A la batterie, avec les très chiants EE & MV … Et le derniers soir avec les deux branleurs de Aweson coulors.

    Peur bleue …
    entre le set de Bon Iver et celui de Scout Niblett, le batteur de Shellac déambule dans l’auditori, agard. Quand il vient s’assoit a côté de nous …
    Damned … Nosferatu.

  5. N.Cl

    12 juin 2008 à 12 h 11 min

    j ‘imagine.. LOL

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