On avait connu Cat Power en chanteuse folk fragile et dérangée, toujours sur une corde raide prête à lâcher à tout moment… Et de fait, il n’était pas rare qu’elle lâche…On la retrouve aujourd’hui radieuse, remplissant des salles de l’ampleur de l’Ancienne Belgique afin d’y présenter Jukebox, album entièrement consacré à des reprises de vieux standards américains, qui installe Chan Marshall dans la droite lignée des grands songwriters et interprètes qui ont façonnés la musique américaine.
C’est tout en douceur et quasi à l’improviste que le concert commence. Chan Marshall, visiblement malade, arpente la scène en largeur et emmène les bluettes à tendance soul du dernier disque de sa voix chaude et légèrement rauque du plus bel effet. Drapée dans un top large et débraillé, la belle a des airs de top model joliment ravagée par quelques années d’excès et de sérieuses remises en questions. Elle semble totalement absorbée par la musique, comme en lévitation mais, dès qu’elle redescend sur scène, on la retrouve moins à l’aise, un peu tendue, enchaînant les morceaux pour lui permettre de remonter dans sa bulle le plus rapidement. Derrière, le groove se met lentement en place. Les premiers titres suivent cette même formule et on commence à pester contre ce groupe qui tend sa toile lascive, sorte de blues soul sur canapé, sans jamais rompre, refusant de lâcher trop de lest et stoppant net, toujours trop tôt en pleine montée d’énergie. Reste que ces chansons trempées dans le Vieux Sud sont de velours et puis, il y a cette version de New York New York, véritable bijou d’adaptation, instant magique où les choses se libèrent enfin quand…
Quand il est l’heure pour la demoiselle de prendre ses médocs, se faire un thé chaud (quoi d’autre?…) et de nous laisser ainsi sur un tapis sonore pendant 6, 7 minutes. Chan Marshall reste imprévue et cet intermède offre à la soirée un côté moins sage finalement salvateur… Car le concert prend de l’ampleur à son retour, sur un Lived In Bars (de son précédent The Greatest) accueilli comme un hit et sur lequel le groupe sort enfin de sa cage dorée et laisse respirer les guitares dans une poussée rock & roll sèche et expansive. On se souvient alors que le guitariste Judah Bauer était membre il n’y a pas si longtemps encore du Jon Spencer Blues Explosion. Ça se déride alors complètement dans des envolées mêlant blues, soul et rock dans lesquelles Chan s’adresse pour la première fois au public qui de son côté, sort de son silence respectueux avant un final grandiose toutes lumières allumées, sans fioriture, les yeux dans les yeux – demande express de la chanteuse.
Au final, ce concert inégal mais agréable, oscillant entre le (trop) sage et l’imprévu, a surtout démontré que Cat Power était l’une des artistes les plus intéressantes de sa génération. Et à regarder Chan Marshall, radieuse, distribuer des fleurs à des personnes (qu’elle choisit) dans l’audience, on se dit qu’il faudra encore compter avec elle dans les années qui viennent. Et c’est tant mieux.
Didier Zacharie
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Stockton
5 juin 2008 à 10 h 50 min
Début de concert effectivement un peu frustrant…mais quelle version de New York New York !