Viva Coldplay!

11_coldplay.jpgThe Bakery est une ancienne boulangerie au fond d’une petite cour dans le quartier de Hampstead, au nord de Londres. L’endroit est calme, retiré. C’est le nid que s’est trouvé Coldplay qui y a installé, au rez-de-chaussée, un studio pour enregistrer et répéter. C’est là que nous a reçu le groupe. Pendant que Chris Martin pose pour la session photo de Rolling Stone, le bassiste Guy est en charge d’un journaliste finlandais et Jon, le guitariste, répond à nos questions. Chacun son boulot. Le temps d’enlever nos chaussures pour pouvoir fouler le parquet – seuls les membres du groupe échappent à cette injonction –, et on peut entamer la discussion.

Coldplay aura mis dix ans à avoir son endroit à lui…

Cela fait deux ans et demi qu’on est ici. Je suis du coin. Je vis à Camden. On a commencé dans ma chambre. Ce n’était pas aussi calme et joli qu’ici.

Aux Brit Awards 2006, vous avez annoncé que vous alliez arrêter pour plusieurs années. Deux ans après, vous êtes déjà là. Cela veut-il dire que l’enregistrement fut plus facile que pour « X & Y » ?

J’ai l’impression du contraire. On a davantage pris notre temps. C’est la première fois qu’on prend deux ans sans enregistrer ni tourner, juste à travailler à ce qu’on voulait faire.

« X & Y » avait été reporté, même que cela avait fâché les actionnaires d’EMI. Cette fois, ce ne fut pas le cas…

Non, on ne leur a pas donné notre propre deadline, cette fois.

Le succès historique de « X & Y » représentait pourtant une pression supplémentaire…

Pas vraiment, car dans cet endroit, on est comme dans une bulle, un château. On vivait ici avec Brian [Eno], Markus [Dravs] et l’ingénieur du son. Le fait de nous avoir mis la pression sur le dernier album ne nous a pas aidés. Au contraire, ce fut assez destructif.

Il est étonnant que vous ayez voulu ou accepté de travailler avec Brian Eno, dont le nom est toujours très associé à U2 auquel on vous compare facilement…

C’est un génie. Il est difficile de refuser son offre. Surtout qu’il n’aime pas se répéter, sinon il s’ennuie. Finalement, c’est probablement notre album qui sonne le moins U2. Ce qui est assez drôle.

Utilise-t-il toujours ses méthodes particulières, ses cartes qu’il distribue, tout ça ?

Oui, ses « stratégies obliques », comme il les appelle. Il s’agit de changer les perspectives et de voir ce qui se passe quand vous modifiez votre façon de faire. Ça aide à vous remettre en question.

Le son est nouveau, mais les chansons sont du pur Coldplay. Comme si la composition et l’enregistrement avaient été clairement scindés en deux…

Certaines chansons ont été écrites avant d’entrer en studio, mais pas la plupart. Nos idées étaient là et Brian nous a aidés à les mettre en forme. On aime toujours les belles mélodies. On voulait, je pense, un disque plus vibrant, plus varié aussi. On ne voulait pas répéter ce qu’on avait déjà fait. Pas trop de ballades ou d’hymnes. Après trois albums, on a appris des trucs qu’on aurait pu réutiliser. C’est une vraie tentation. Parfois, ça nous a brisé le cœur de jeter des choses qui étaient bonnes mais qu’on avait déjà faites.

« Life in technicolor » aurait pu être un tube si vous n’aviez enlevé les paroles ?

Ça ne marchait pas avec le texte, qui parlait de sentiments proches de certaines autres chansons de l’album. C’est devenu un instrumental, quelque chose de très différent de ce qu’on a l’habitude de faire. C’est une belle façon d’ouvrir l’album.

Vous avez déclaré que ce disque était le plus audacieux de Coldplay. Il aura fallu dix ans pour trouver cette confiance en vous ?

En fait, oui. Quand vous jouez dans de grands endroits, que vous avez ce succès incroyable, cela crée parfois de la confusion. Vous vous demandez qui vous êtes. Ou vous continuez comme ça, ou vous essayez d’être encore meilleur. En étant plus aventureux. C’est ce qu’on a fait. Pour nous surprendre et être plus fidèle à la musique que nous écoutons nous-même.

D’où cette impression d’un disque plus varié. « Violet hill », par exemple, se rapproche davantage de Pink Floyd…

Pour nous, c’est plus un hommage à Rammstein. Le côté heavy des guitares. C’est mon morceau.

La vidéo, plus que le texte, est politique…

C’est une sorte de protest song, la chanson la plus solide que Chris ait jamais écrite. On trouvait que ce serait marrant de voir des politiciens danser dessus. On s’intéresse à la politique, mais ce n’est pas là notre but principal. On ne publie pas de manifeste. On ne prend pas position, par exemple, sur les Jeux Olympiques en Chine. Ce serait stupide de notre part de publier sans cesse nos idées sur telle ou telle situation. On n’est pas des dames patronnesses.

Dans ce disque, Chris utilise souvent les termes « église » et « dieu »…

C’est une interrogation. On a tous grandi dans un pays chrétien. Ce sont des références qui nous appartiennent.

Vous avez enregistré des voix dans une église barcelonaise. Il n’y en a pas assez en Angleterre ?

Le temps est meilleur là-bas. Brian a un appartement à Barcelone.

Comment expliquez-vous le titre de l’album ?

C’est une sorte de blague. On nous a souvent demandé pourquoi on faisait une musique aussi dépressive. On ne ressent pas les choses comme ça. Ici, on laisse aux gens le choix entre la vie ou la mort. Les chansons parlent du cercle de la vie : l’amour et la perte.

La peinture de Delacroix sur la pochette est révolutionnaire. Cela reflète-t-il l’état d’esprit du groupe ?

Oui, absolument. On devait détruire et reconstruire. On voulait un changement personnel.

Il paraît que cela s’est fait en passant par un hypnotiseur en studio ?

Oui, c’est vrai. Je crois que c’était l’idée de Guy, qui voulait arrêter de fumer. Brian connaissait un hypnothérapeute. L’idée était de jouer sous hypnose, pour voir ce que ça donnait. Ça a marché. Le résultat fut intéressant. Mais on ne l’a fait qu’un seul jour.

Comment ont fonctionné Brian Eno et Markus Dravs que vous a conseillé Win, d’Arcade Fire ?

Markus a été l’assistant de Brian il y a longtemps. Mais ils sont très différents, deux pôles opposés. Brian est le feu et Markus, la glace. Le bon flic et le mauvais. Brian apportait ses idées, nous incitait à nous relaxer, alors que Markus nous faisait travailler comme des fous, il fallait toujours recommencer. Il nous a cassés. Il a été dur avec nous. Pour nous améliorer. Même si ça reste un dialogue.

« X & Y » était très guitare. Son successeur est davantage basé sur les rythmes, non ?

Je suis d’accord. On voulait aller plus loin. C’est pour ça qu’on est pressés de remonter sur scène.

Phil Harvey est considéré comme le cinquième membre du groupe. Quel est son rôle, exactement ?

C’est notre contrôleur final de qualité. On lui fait tout tester. Il est le premier à entendre les chansons. C’est un ami depuis nos débuts. Il nous aide pour les vidéos, le graphisme, les set lists. Il est le manager de notre créativité. Mark Tappin, aussi, se charge du design depuis le début.

Avez-vous envisagé à un moment de faire comme Radiohead, en quittant EMI ?

On est toujours sous contrat pour un certain temps. Ça se passe bien, même si ce n’est pas un très bon moment pour les firmes de disques. EMI nous a beaucoup aidés.

Chris est l’image du groupe. Chacun a-t-il un rôle de décision important au sein du groupe ?

On est tous impliqués à tous les niveaux. Ce qui est assez stressant, comme pour le moment, avec des milliers de décisions à prendre. On essaie de tout contrôler nous-mêmes. Je ne pense pas que la vie privée très médiatisée de Chris change quelque chose dans le groupe. On est devenus plus proches, on fonctionne mieux, de façon plus démocratique qu’avant. Le fait d’avoir cet endroit, avec une table ronde, nous aide. Ce groupe est un mariage heureux. On a chacun notre vie, avec des enfants, mais on adore faire de la musique ensemble. Par le passé, on a vécu plus de tensions internes qu’aujourd’hui.

D’être dans le groupe le plus populaire du moment comporte-t-il des points négatifs ?

Pas beaucoup, non. C’est sans doute moins facile pour Chris, qui est plus harcelé que moi. Ce qui m’arrange bien. Je peux encore me balader tranquillement dans la rue.

Est-ce vraiment une bonne idée d’offrir la musique, comme vous l’avez fait avec le single, « Violet hill » ? Cela ne risque-t-il pas de créer une mauvaise habitude auprès d’un public qui se sert déjà trop sur l’internet ?

Je ne pense pas. C’est un cadeau à ceux qui ont toujours été loyaux envers nous. C’est une façon de leur rendre tout ce qu’ils nous ont donné. L’opération n’a duré qu’une semaine. Il est en vente maintenant. C’est comme les trois concerts gratuits à Londres, New York et Barcelone : c’est une façon de revenir le moins cyniquement possible.

Le 4 octobre au Sportpaleis d’Anvers (0900-260.60).

Rendez-vous également en radio avec Coldplay, sur Mint 11_mint.jpg tout le week-end prochain (www.mint.be).

Dates :

1996. Étudiants à l’University College de Londres, le chanteur Chris Martin, le guitariste Jon Buckland et le bassiste Guy Berryman forment Coldplay. 1998. Début de l’année, le groupe est rejoint par le batteur Will Champion. Le 18 mai paraît un 3-titres, Safety, publié à 500 exemplaires – aujourd’hui, il vaut 3.000 euros. 1999. Deux autres EP paraissent : Brothers & sisters en avril et The blue room en octobre. Coldplay signe un contrat avec EMI. 2000. Parution du premier album, Parachutes, qui atteint la première place des charts anglais. Est interdit en Chine en raison de la chanson « Spies ». Chris Martin milite pour le fair trade (le commerce équitable). 2002. A rush of blood to the head sort fin août. « In my place », « The Scientist » et « Clocks » en assurent le succès. La tournée mondiale se solde par un DVD, Live 2003. 2005. X & Y, sorti le 6 juin, devient l’album le plus vendu dans le monde cette année-là. Et ce, grâce à une sonorité, à des guitares « à la The Edge », plus musclées, et à des tubes comme « Speed of sound », « Fix

you » et « Talk ». Chris Martin et l’actrice Gwyneth Paltrow ont deux enfants, formant un couple à la fois très discret et glamour.

COLJON,THIERRY


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7 Comments

  1. Chris

    12 juin 2008 à 12 h 24 min

    Aucune réaction en 24h! on voit que ce groupe n’intéresse plus que lui-même…
    Ce groupe est aussi pathétique que sa musique. Au lieu de se prendre pour U2 ou je ne sais qui, il ferait mieux d’avoir moins le gros coup, d’écouter de nouveau leur deux premiers cd et de faire de nouveau ce qu’ils savent faire: des mélodies…au lieu des chansons pompeuses glonflées de riffs de grosses guitares (ce qu’ils ne savent pas faire) calibrées pour remplir les méga-stades et leurs poches par la même occasion…

  2. cyrille

    13 juin 2008 à 12 h 57 min

    Interview intéréssante.
    Chris fait partie de ces gens nostalgique, qui limite sa connaissance de la musique à des groupes comme radiohead ou U2, mais faut évoluer dans la vie, il y a d’autre sons… à découvrir.
    C’est à cause de personne comme ça que la culture ne sera jamais accessible pour tout le monde. bref il n’est pas ouvert.

  3. Chris

    13 juin 2008 à 13 h 24 min

    @ Cyrille, je te défie de trouver quelqu’un de plus ouvert au niveau goût musicaux…bref.
    C’est quand même affligeant que tu cites Radiohead et “évoluer” dans la même phrase! Radiohead est le groupe qui a le plus évolué en s’améliorant au fil des ans; écoute les albums avant de critiquer. En fait, Coldplay se rend compte qu’il ne parviendra jamais à la cheville de Radiohead…malgré de bons débuts et deux albums que j’adore mais force est de constater que depuis, ils pédalent bien dans la semoule malgré la popularité non justifiée que ce groupe a atteint. Mais on sait que la popularité n’est jamais synonyme de qualité…et oui, je suis nostalgique du temps où Coldplay faisait des chansons qui me procuraient des émotions. C’est aussi parce que j’aimé au début (tu as surement découvert Coldplay depuis deux ou trois ans…) que ce que j’entends d’eux aujourd’hui m’afflige…

  4. Pingback: Accusé de plagiat, Coldplay se défend | frontstage

  5. cyrille

    17 juin 2008 à 16 h 18 min

    Chris je connait bien radiohead, mon grand frère étant fan depuis leur début, je me suis par la force des choses amener à écouter depuis 1994.Ils ont évolué c’est clair, leur meilleur album restant “hail to the thief”, mais force et de constater qu’on leur faisait le même procès quand Ok Computer est sorti”.

    Les défenseurs nostalgiques du “c’était mieux avant” où “ils ont mal évolués car plus connus” m’éxaspèrent, du simple fait que pour bien jugés un album (je parle pour les artistes qui ont une vrai identité, pas ceux profitant d’une mode de trois mois, il faut un an si ce n’est plus..

    Regarde l’album X&Y en 2005, à lors de sa sortie essuyé les mêmes critiques “ce n’est plus le même esprit, musique trop ennuyeuse….”, “Coldplay trop commercial donc la musique est forcément moins bonne”…contrairement à eux Radiohead est resté authentiques.

    Pour être franc, lors des premières écoutes le disque me paraissait moins bien, mais un CD se fait aussi à travers le temps, c’est une histoire.
    Aujourd’hui je pense que c’est un bon album.

    J’espère pour toi que ce n’est qu’une affaire de goût plus que d’opinion trop attive pour “Viva la Vida”. Et encore donner son avis au bout de quelques jours d’écoute est bien avenant.

    Si tu n’aimes pas tu as le droit de dire.
    Si tu ne veut pas aimer c’est autre chose.

  6. Pingback: Coldplay joue et gagne | frontstage

  7. Mayme Anyan

    13 décembre 2010 à 14 h 51 min

    Excusez-moi si ma langue française n’est pas extraordinaire mais je trouve tout ceci excellent. Merci pour le blog et cet article. Bonne continuation.

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