Révélé il y a une petite dizaine d’années par l’entêtant A lo Cubano, mariage réussi et enlevé entre hip-hop et musique cubaine, ce trio est devenu incontournable sur le circuit de la musique world. Excellent groupe de scène, Orishas ne se prive jamais de collaborations (Akro, Kool Shen, Passi…).
A voir ce soir à 23h45 à la Titan.
ENTRETIEN
A l’heure de leur quatrième album, Roldan Gonzales évoque, un peu amer et désabusé, son état d’esprit actuel.
Comment présenteriez-vous « Cosita buena », votre quatrième album ?
La grande différence, par rapport à nos précédents disques, est que nous avons réalisé nous-mêmes les arrangements et la production. Tout est à nous. Si on devait évoquer son esprit, je dirais qu’il est plus proche de notre deuxième album que du premier. De toute façon, nous ne pourrons plus jamais reproduire l’énergie de notre premier disque. Nous venions d’arriver en Europe avec l’envie de dévorer tout sur notre passage. Nous n’étions pas influencés par la musique européenne et notre état d’esprit était complètement différent. Aujourd’hui, j’habite en France depuis douze ans. Malheureusement, ai-je envie de dire.
Quel est votre regard sur le monde, que vous sillonnez avec Orishas depuis bientôt douze ans ?
Le monde est devenu fou et violent. C’est inacceptable. Lors de mon arrivée en France, j’avais la nostalgie du pays. C’est normal, je crois. Sauf qu’aujourd’hui, c’est encore pire. J’ai toujours très envie de rentrer à Cuba et de terminer ma vie là-bas. Je n’aime plus la manière dont on me dit bonjour en France. Ce sont des choses que je ne remarquais pas au début de mon exil en Europe. En tout cas, je ne m’en rendais pas compte. J’étais tellement content et excité à l’idée d’être dans le pays rêvé pour n’importe quel immigrant. J’aurais très bien pu aller au Mexique, mais c’est la France que je désirais. Je réalise que quitter une île comme Cuba pour un pays comme la France n’était pas la meilleure des décisions.
Retirez-vous malgré tout du positif ?
Bien sûr, parce que la France m’a permis de réaliser mon rêve : aider ma famille. J’ai pu ainsi offrir une maison à ma mère, à Cuba. Ensuite, c’est une question de vision et de point de vue. Est-ce que tout ça en valait la peine ?
Professionnellement, la réponse est affirmative, non ?
Absolument, mais il n’y a pas que ça dans la vie.
Qu’est-ce qui a déclenché cet état d’esprit, aujourd’hui ?
Je ne me souviens pas d’un déclic précis, mais ce sentiment est en moi depuis plusieurs mois. Et je me pose toujours cette question de savoir ce que je fais ici. Qu’est-ce qui va se passer dans deux ou trois ans ? Si je ne sais pas continuer à vivre de ma musique, je serais fort ennuyé, parce que je ne sais rien faire d’autre. Tout va s’effondrer. Tout seul – je crois que c’est valable pour n’importe quel homme qui a la force et la volonté –, je peux m’en sortir, mais j’ai mes enfants. Ça change la donne. Il faut que je regarde aussi l’évolution à Cuba. Aujourd’hui, on a davantage de possibilités de voyager.
Vous n’avez pas quitté Cuba pour des raisons politiques ?
Non, je suis parti parce que je ne pouvais pas voyager. C’était ça, mon seul problème. A chaque fois, il faut une autorisation de sortie.