Depuis un premier concert au Botanique en 1994, un lien privilégié et passionnel s’est tissé entre le groupe de Nottingham et le public belge. Mais comme les histoires qui ne connaissent pas de hauts et de bas sont rares, on a un peu délaissé la formation du timide Stuart Staples. Il semble aussi que les six musiciens originels ont eu des difficultés à communiquer, et après l’album Waiting for the moon (2003), on a bien cru la formation morte et enterrée.
D’autant que le grand admirateur de Scott Walker, Bryan Ferry ou Lee Hazelwood qu’est Stuart Staples multipliait les projets. Deux albums solos (Lucky dog recording et Leaving songs) et un projet de chansons enfantines (Song for the young at heart) plus tard, Stu, désormais installé dans le centre de la France où il possède son propre studio (Le Chien Chanceux), réactive la formule originelle du groupe. Soit avec Neil Fraser (guitares) et David Boutler (piano). Enregistré en huit jours, le nouveau Tindersticks, The hungry saw, renoue avec l’élégance des débuts. La classe à l’état pur.
En rencontrant Stuart et David le 2 mai dernier en début d’après-midi, avant leur concert au Cirque royal, on s’étonne de les retrouver aussi rayonnants.
« Je m’étonne chaque jour de ce nouveau départ, parce que c’est vrai que nous nous sommes un peu perdus en route, répond Stu avec un sourire qu’on ne lui connaissait pas. C’est un joli challenge de se retrouver ensemble après cinq ans. C’est aussi agréable et réconfortant de voir que les gens ne nous ont pas oubliés et qu’ils ne boudent pas nos concerts. On prend ça comme une deuxième chance de faire partager notre musique. Ce nouveau disque n’est sans doute pas une fin en soi, mais nous sommes de nouveau dans le circuit. »
On ne peut s’empêcher de demander à ce grand fan de Nick Cave ce qui a provoqué cette interruption de cinq ans. « C’est une combinaison de plusieurs facteurs, explique la voix sans pareille de Stuart Staples. Les relations entre six personnes au sein d’un groupe, c’est un peu comme la relation au sein d’un couple, mais démultipliée. Nous nous sommes aussi installés, comme beaucoup de groupes d’ailleurs, dans une espèce de routine qui consiste à enregistrer un album, à en assurer la promotion et à le défendre ensuite en tournée. Une fois que tu es installé dans cette routine, il n’est guère aisé de la briser. Cette période nous a également permis de savoir qui nous étions vraiment et comment nous allions aborder notre futur. »
Le futur s’annonce radieux, tout simplement, parce que The hungry staw est un disque magnifique. Avec le renfort d’une section de cuivres qui voit le groupe flirter avec une soul feutrée, comme Cat Power avec The Memphis Rhythm Band, The Tindersticks n’oublie pas non plus de soigner ses arrangements de cordes et d’offrir ainsi des chansons délicates, romantiques et intimes. « Nous avions ce sentiment, en l’enregistrant, parce que nous avions le désir de sortir le meilleur de nous-mêmes. » Mission accomplie !
Ce vendredi, de 22 h 50 à 23 h 50,
au Marquee.
Album : The hungry saw (Beggars Banquet).
MANCHE,PHILIPPE