Le Pukkelpop poursuit sa mission de défricheur et de découvreur, à côté des traditionnelles têtes d’affiche.
entretien
Attablé à la terrasse du Botanique lors des dernières Nuits, c’est un Tricky souriant, détendu et en pleine forme qui nous accueille en ce bel après-midi du mois de mai. Ancien membre du collectif de Bristol The Wild Bunch, avant d’être de l’aventure Massive Attack, Tricky suit, depuis 1995 et son formidable Maxinquaye, une carrière solo certes inégale, mais radicale et sans concession. Avec la sortie de son nouvel album, Knowle West Boy – son meilleur depuis Pre-Millennium tension (1998), Tricky reprend du poil de la bête après ses démêlés avec l’industrie du disque et une crise d’identité plus personnelle.
A peine assis, c’est la présence d’un livre qui nous intrigue. Son titre : Brutal. Malheureusement non encore traduit en français, il est le point de départ d’une conversation franchement charmante et chaleureuse.
Que raconte « Brutal » ?
Vous connaissez The Departed, le film de Scorsese qui se déroule à Boston ? C’est encore mieux. C’est l’autobiographie d’un gangster de Boston (NDLR : Kevin Weeks) qui découvre que le type pour lequel il a travaillé pendant 25 ans est un agent du FBI. C’est inouï.
Vous connaissez bien ce monde des gangs et de la pègre. Avez-vous vu le récent documentaire « A very british gangster », qui raconte l’histoire du parrain de Manchester, Dominic Noonan ?
J’en ai entendu parler, mais je ne l’ai pas vu. Je pense que mon oncle a travaillé pour lui. Ou l’oncle de Shaun Ryder, des Happy Mondays, plus vraisemblablement. En fait, je n’ai pas connu Shaun par la musique, mais par nos oncles, qui étaient en affaires. Aux dernières nouvelles, son oncle a plongé pour quelques années…
Vous avez l’air rayonnant. On a le sentiment que vous remontez sur le ring. C’est le cas ?
C’est une période très excitante de ma vie. J’adore ce petit périple promotionnel ; ça me donne une bonne énergie et j’aime être actif. Au moins, être occupé me maintient à distance des embrouilles.
Sans indiscrétions, on a envie de vous demander où vous étiez passé depuis « Vulnerable », qui remonte à cinq ans.
J’ai beaucoup voyagé et j’adore ça, parce que j’ai la bougeotte et que je suis toujours incapable de me poser quelque part. Et même quand je suis à un endroit, je ne reste jamais longtemps à la maison. Je pouvais rester à la terrasse d’un café trois ou quatre heures d’affilée, sortir toute la nuit avec mes potes, me lever le lendemain en milieu d’après-midi et recommencer le lendemain. Ne rien faire à part prendre et observer ce qui se passe.
J’ai un peu habité dans le New Jersey. Pour arriver où je logeais, il fallait emprunter la même route que celle de Tony Soprano dans le générique de la série. Je traînais souvent à Brooklyn, dans le Bronx ou dans les clubs de Manhattan. Parfois, on restait juste à l’extérieur, on fumait des joints et on regardait les filles.
On a l’impression que vous étiez fatigué par l’industrie du disque.
C’est ma vie. Le problème, c’est que je fais un album et voilà une année où je ne fais rien d’autre. Ça me fout les boules de voir une année filer en un claquement de doigts.
Quel a été le déclic pour travailler sur ce qui est devenu « Knowle West Boy » ?
Il y a quelques années, j’ai commencé à écouter plein de choses, parce que j’avais envie de m’y remettre. Je n’ai pas l’impression d’entendre quelque chose de nouveau. Même si les gens n’aiment pas ce disque ou s’il ne marche pas bien, j’aurai au moins essayé de proposer quelque chose de différent.
Vous n’avez jamais écrit une chanson comme « Puppy toy », qui ouvre le disque.
C’est vrai. Et pourtant, c’est juste une conversation entre un mec et une fille dans un bar. Pour moi, c’est un morceau de blues à la Howlin’ Wolf, mon héros absolu.
Ce jeudi, de 18 h 30 à 19 h 15, au Dance Hall.
Le Pukkelpop, du jeudi 14 au samedi 16 août. Programme complet sur le site www.pukkelpop.be
Knowle West Boy
Entamant par le blues poisseux « Puppy toy », Tricky livre son album le plus autobiographique à ce jour, jusqu’à son titre, qui évoque Knowle West, le quartier de son enfance. Transcendant le « Slow » de Kylie Minogue ou racontant qu’il a mis une fille enceinte à 16 ans (« School
gates »), Tricky propose une collection de sons qui se télescopent, se servant de voix féminines troublantes et aériennes. Stupéfiant.
Domino.
MANCHE,PHILIPPE