Quatrième album pour le chanteur têtu qui creuse son sillon en confirmant un style original. Et tant pis pour ceux qui détestent.
Si Vincent a retrouvé Peter Von Poehl pour son quatrième album, il y a aussi Alain Souchon, Albin de la Simone et Jipé Nataf qui l’ont rejoint en studio. « Ce sont plus des copains que des invités prestigieux, nous a-t-il raconté. Albin et Jipé sont passés par là. L’avantage avec ces gars-là c’est que s’ils ne sentent rien à mettre, ils ne mettent rien. Comme Mathieu Boogaerts qui n’a pas trouvé quoi faire. Et Souchon était au studio Ferber, juste à côté. Il aimait la chanson et a aimé l’idée de chanter le refrain une fois. C’est tout de même mon idole. J’aime bien les personnages comme ça qui incarnent la vie telle qu’elle est. »
Vincent n’étonnera personne avec son nouvel album qui n’oublie pas ce name dropping (la succession de noms de personnes plus ou moins connes), rien que pour énerver ses contradicteurs. Mais l’ambiance, ici, est plus américaine qu’anglaise comme c’était le cas sur Kensington Square : « Oui, c’est vrai que je parle de New York alors que je n’y ai jamais mis les pieds. J’aime cette idée, d’assumer la vision d’un mec, d’un Français qui perçoit les choses de loin, en ayant vu les films de Woody Allen. J’ai été dans beaucoup de villes dans le monde, dont je pourrais moins bien parler que New York. »
Ainsi Delerm serait le Hergé de la chanson…
« Oui. Benjamin Biolay aussi est comme ça. Sa chanson “Los Angeles” dont on a tant vanté la description réaliste, il n’y avait jamais été non plus. J’adore me plonger dans un film américain ou un bouquin… Ici, j’ai tissé un truc autour de New York avec “Shea stadium” qui parle de la furie des filles au concert des Beatles. “Monterey”, c’est le nom de la prison de New York. J’aime avoir un angle d’attaque et puis j’imagine des trucs. Qu’est devenue par exemple la fille qui hurlait au concert des Beatles ? »
« From a room » prétend que la fille sur la pochette de l’album Songs from a room de Leonard Cohen, n’est pas Marianne, la petite amie du moment du chanteur canadien, mais bien la copine anonyme du photographe : « Non, non, c’est bien Marianne. Et il y a bien deux fausses informations dans mon texte. C’était juste pour énerver les connaisseurs qui savent tellement de choses qu’ils cassent nos fantasmes. Donc ils peuvent m’envoyer du courrier pour me le dire. C’était aussi l’occasion de parler de Cohen que j’ai vu à Nyon. Je l’ai trouvé terrible, malgré les arrangements. Chaque chanson était à la fois bien et pas bien. Il m’a beaucoup ému. »
Vincent, sur son disque, est plus décoiffé que jamais : « Non, ce n’est pas le gel, c’était en plein air en Corse. Il y avait du vent. On voulait l’inverse de la pochette précédente qui était précise et nette. Là, on voit bien mes cheveux blancs. Et comme j’en parle dans une chanson. C’est venu comme ça. J’ai eu un bébé… On ne peut pas appeler ça de la vieillesse mais tu passes à un autre stade. C’est un autre cycle. Le temps qui passe m’a toujours intéressé. Il y a des sauts en permanence du présent vers le passé mais pour parler d’aujourd’hui, pour profiter du présent. Les chansons sont des pilules. »
Et comme on le disait, Vincent en profite pour chanter les gens qu’il aime comme le photographe Martin Parr et François de Roubaix, feu le compositeur de musiques de films : « Il est mort en plongée en 1975, alors que je parle de 1977 dans la chanson. Je m’en suis déjà excusé auprès de ses filles. Sa musique a tellement renforcé les images des films. J’ai l’ambition d’utiliser ainsi la musique dans les chansons, pour intensifier les textes. J’aimerais un jour réaliser une bande originale. »
Vincent Delerm sera en concert le 23/01 à Tournai, le 19/02 à Namur et les 20 et 21/02 au Théâtre 140.
Quinze chansons
Quand on écoute le nouvel album de Vincent Delerm, on est pris finalement du même sentiment qui nous a animé à l’écoute du dernier Fersen. Voilà des disques qui séduisent sans nous surprendre. Voilà deux artistes qui ont trouvé leur style – c’est le synonyme de talent ! – et, sans s’en éloigner, cherchent à le parfaire dans le moindre détail. Chansons à la fois neuves et familières, rassurantes, fines et intelligentes. Tôt ou Tard-PiaS.
THIERRY COLJON