Quand Montréal parade à Gand

wolfparade.JPGDu 3 au 6 décembre, le Vooruit prendra un petit air de Canada. Brillant et jouissif, pop et bancal, Wolf Parade emmène la meute. Interview.
Malgré un incroyable premier album, «Apologies to Queen Mary», à la fois pop, alambiqué, ludique et ambitieux, sorti en 2005, Wolf Parade n’a encore jamais joué en Belgique. Avant de s’arrêter à Bruxelles vendredi (AB club complet) présenter leur deuxième disque, les Canadiens se produiront au Vooruit, à Gand, dans le cadre du festival Etoiles Polaires cette année dédié aux artistes montréalais. Le chanteur et guitariste Dan Boeckner, rencontré au Grand Mix de Tourcoing, raconte l’évolution de la musique dans le principal centre industriel du Québec.

Comment expliquez-vous la richesse de la scène montréalaise?

Dan Boeckner: “Les médias ont tendance à exagérer l’importance de l’appartenance géographique. Toutes les villes qui possèdent une scène musicale fournie et variée ont autant à offrir que Montréal. Maintenant, il est plus facile d’y monter un groupe qu’ailleurs au Canada. Beaucoup d’artistes s’y sont installés. Ca dépend des quartiers mais les loyers sont grosso modo deux fois moins cher qu’à Vancouver. Quand les industriels anglophones, préoccupés par la montée du mouvement séparatiste québécois, ont quitté la ville, quand l’économie a commencé à ralentir, les prix ont chuté. De nombreux espaces commerciaux, magasins, entrepôts ont alors été désertés. Le label Constellation par exemple a ouvert deux salles de concerts dans les années 90>: La Sala Rossa et la Casa Del Popolo. Des clubs indés auxquels Wolf Parade et pas mal de groupes montréalais doivent beaucoup.»

Pourquoi?

«La Sala Rossa est une magnifique salle avec du plancher, des tentures, des chandeliers. Je n’avais jamais vu pareil endroit auparavant. Je n’avais jamais voyagé en Europe… Je viens de la scène punk. Et quand tu fais du punk, tu ne joues pas dans les bars. Tu te produis dans des caves, des appartements. Quand la Sala nous a ouvert ses portes, j’ai réalisé que je pourrais vivre de ma passion à Montréal. Qu’il existait un public pour notre musique.»

La ville va-t-elle rester une terre d’artistes ou risque-t-elle de devenir inabordable comme Brooklyn?

«Brooklyn s’est fameusement embourgeoisé. De nombreux musiciens continuent d’y vivre mais on y croise aussi beaucoup d’étudiants qui ont de riches parents, vont à l’université sur New York et ont les moyens de se payer la dernière paire de baskets à la mode.
Des magasins branchés finissent donc par s’installer. Les gens qui veulent vivre à New York et n’ont pas d’argent posent plutôt désormais leurs valises dans le New Jersey. Montréal est différent. Mon quartier est occupé et dirigé par des Italiens, des Polonais et des Grecs. Il en ira toujours de la sorte. La mafia grecque ne laissera pas n’importe qui s’installer dans ma rue… (rires)»


Les scènes francophones et anglophones sont-elles étroitement liées à Montréal?
«De plus en plus. Elles ont longtemps fonctionné en autarcie. Ainsi, je n’ai pas grandi bercé par la chanson française. Les deux seuls projets canadiens s’exprimant en français que j’ai entendu étant jeune sont Harmonium, un groupe de prog rock horrible des années 70, et André Gagnon, un horrible singer/songwriter, des seventies lui aussi. Pas le choix… Ma mère l’aimait bien. En attendant, aujourd’hui, beaucoup de groupes, comme Pas Chic Chic (également à l’affiche d’Etoiles Polaires), comptent à la fois des musiciens anglophones et francophones dans leurs rangs. Ce phénomène, je l’explique par l’absence de grandes ambitions commerciales. Car si tu es québécois, chantes en français, sors un disque sur un label local et passe à la radio française, tu peux être sûr d’en vendre des tonnes. Jean Leloup a écoulé plus d’albums qu’Arcade Fire. Toutefois, les gamins francophones qui n’entendent pas emprunter cette voie s’associent à des kids anglophones qui ne veulent guère déménager à Toronto, devenir les nouveaux Nickelback et rentrer dans le top 50
JULIEN BROQUET
En concert au Vooruit le 4/12 et à l’AB Club (complet) le 5/12.<
Album: «At Mount Zoomer» (Sub Pop)
www.myspace.com/wolfparade


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2 Comments

  1. Mme Hivon

    2 décembre 2008 à 10 h 49 min

    La réaction de M. Dan Boeckner face aux “anciens” est puérile: sans eux, il ne serait pas là, lui et son groupe. Les musiques de Harmonium , André Gagnon, et beaucoup d’autres artistes, correspondent à un moment précis dans l’histoire culturelle du Québec. Ils ont eu l’audace d’écrire, ils nous ont fait rêver. Je rappelle à M. Dan Boeckner qu’au Québec, un “singer/songwriter” est un compositeur/interprète. Je suggère à ce monsieur d’écouter TOUTES les musiques … et de régler ses problèmes psy avec sa mère en dehors des entrevues.

  2. Marc

    2 décembre 2008 à 13 h 24 min

    Je ne comprends pas trop la raison de ce courroux. Pourquoi un anglophone comme Dan Boeckner n’aurait pas le droit de trouver de la musique québécoise francophone horrible? Ceux qui pratiquent notre langue là-bas ont souvent bien du talent (Malajube, Pas Chic Chic, Pierre Lapointe) mais je ne pense pas que l’influence de ces glorieux anciens soit majeure sur Arcade Fire (formé par un Texan et une Haïtienne), Godspeed You BLack Emperor, The Silver Mt Zion ou autres Plants and Animals, groupes formidables s’il en est.

    J’attends de toute façon ce vendredi avec impatience.

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