Un Will Oldham roots, bloody roots

Le songwriter Bonnie ‘Prince’ Billy, alias Will Oldham, ancien leader de Palace, se produisait sur la scène de l’Ancienne Belgique mercredi soir. Un concert qui, s’il n’a pas atteint les plus hauts sommets, a néanmoins confirmé l’idée que le chanteur faisait partie des grands de la musique américaine.

La scène est digne d’un film des frères Coen. Quatre bons sudistes au look de fermiers du début du siècle passé (et une jolie violoniste) s’installent sur scène, alors que la lumière est toujours allumée, s’appliquant aux derniers réglages de leurs instruments pendant cinq bonnes minutes. Sur la gauche, il y a ce type en salopette, un peu étrange. Moustache nietzschéenne, cheveux rares ébouriffés et bedaine naissante, cet anonyme est pourtant responsable de quelques unes des chansons les plus bouleversantes de ces dernières années, et c’est sans mal qu’il a rempli l’Ancienne Belgique.

Il faut dire que Will Oldham ne débarque pas de nulle part. Déjà quinze ans de carrière pour ce natif du Kentucky. Quinze ans d’un baroud qui l’a vu mettre le folk au goût des 90’s (soit un folk joué à l’os, presque punk, qui laissait passer les erreurs techniques pour mieux souligner la sincérité du propos) avec Palace et revisiter ensuite toutes les déclinaisons de la musique américaine sous le pseudo Bonnie ‘Prince’ Billy. Un canon discographique pléthorique, forcément inégal, duquel on retiendra quelques joyaux rares: les premiers Palace déjà, «There Is No-One What Will Take Care Of You» (1993) et «Days In The Wake» (1994), l’intemporel «I See A Darkness» de 1999 ou encore le plus récent «The Letting Go» (2006). Son petit dernier intitulé «Beware» est quant à lui un disque très country, particulièrement serein et aérien par rapport à ce que le bonhomme nous avait habitué.

C’est justement de cette teinte country que le concert s’habillera. Violon omniprésent, guitares rondelettes et rythmique (contrebasse-batterie minimale) groovy au possible, l’entité Bonnie ‘Prince’ Billy installe tranquillement l’atmosphère recherchée. Déjà, Bruxelles n’est plus. Bienvenue dans le fin fond du Kentucky! On regrette bien un peu ces instants fragiles des années Palace, où tout pouvait déraper à tout instant, mais on est aussi bien forcé de constater que quand le groupe décide de s’y mettre, Guddammit! ça joue!

Ça parle aussi, beaucoup, entre les titres. Le père Oldham étant fort expressif (il a débuté comme acteur, ce qu’on comprend en voyant son visage se tortiller dans tous les sens), chaque interlude parlé se transforme en petite histoire déclamée dans un merveilleux accent du Sud: commentaire sarcastique sur l’envoi des troupes US en Irak, présentation d’Oscar, le vendeur de mershandising chasseur de vampires ou simple conversation avec le public, avec cette phrase sortie de nulle part, mais qui exprime à merveille l’univers du bonhomme: «You all seem to be beautiful people in the darkness».

Et puis, quand l’ambiance est au goût du patron, on passe à la troisième vitesse, et Oldham de déterrer alors avec une aisance toute naturelle les racines de l’americana. Trois titres magiques à la suite, imparables, qui mettent tout le monde d’accord: un monumental ‘Death To Everyone’ (tiré de «I See A Darkness»), le très beau ‘After I Made Love To You’ («Ease Down The Road», 2001) et le nouveau ‘You Don’t Love Me’ («… but that’s allright/coz’ you claim to me/All through the night!») en duo jouissif avec sa violoniste. Un blues fantomatique et impressionnant plus tard et c’est déjà fini. Le groupe reviendra pour un rappel, terminant sur une ballade définitive. Reste ce dernier instant: alors qu’il a quitté la scène depuis plusieurs minutes et que les lumières de la salle sont rallumées, le bonhomme en salopette est toujours ovationné, acclamé par un public enchanté. Sérieux, ce type pourrait bien être le nouveau Neil Young.

Didier ZACHARIE


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