Autant le dire d’entrée : « Il y a aussi sur ce disque un rapport aux racines, après le deuil de mon père que j’abordais sur le premier album. » Les photos de Jean-Baptiste Mondino, pour la pochette et le livret, jouent sur des vêtements d’un autre temps, au bord de l’eau, dans la nature justement. « Ces photos n’ont été prises ni en Ardèche ni en Louisiane mais au parc de Saint-Cloud. Polydor a dit oui à tous mes rêves, mais je n’ai rien voulu d’indécent. Je me suis fait le plaisir d’inviter les musiciens, plutôt que d’aller à la Réunion ou en Amérique. Il fallait habiter cette maison, il fallait des personnages, rapport aux contes et à la culture orale. Moi, je viens du théâtre, je suis attachée aux gens qui racontent leur histoire. Tout est parti de l’envie de faire de la musique avec ceux qu’on entend sur le disque. Dans un état d’esprit de groupe, de “ jouage” ».
Emily Loizeau a pour elle une double culture : de mère anglaise, elle a grandi dans une école bilingue. Elle participe ainsi, avec Moriarty, The Do, Yael Naim et Camille à une nette ouverture de la culture française sur le monde anglo-saxon : « Je tiens à m’exprimer en français car je vis en France mais je rêve aussi d’aller chanter en Angleterre ou aux Etats-Unis. Cette culture me parle énormément. Je suis contente de voir qu’en France, la langue anglaise est mieux livrée qu’avant. Ceux que vous citez se sont approprié la langue avec justesse. Ce n’est pas toujours le cas, souvent je ne comprends rien… »
Un tour de force musical
Aujourd’hui, Emily a rejoint le clan des chanteuses qui comptent, avec un univers mature bien à elle.
Son spectacle, que nous avons vu au Printemps de Bourges dans une version un peu particulière, avec de nombreux invités exceptionnels, comme Moriarty, Andrew Bird ou Dominique A, est un grand moment de bonheur. Un tour de force musical que seule une Camille, en France, est à même aujourd’hui de réaliser : « Tant mieux s’il y a d’autres filles culottées, talentueuses, avec une forte personnalité. Ce ne sont pas juste des mignonnes qui chantent les textes écrits par des mecs. Avant, il n’y avait que Véronique Sanson, Joni Mitchell, Françoise Hardy ou Björk pour nous inspirer. Les filles sont de plus en plus inspirantes aujourd’hui. Le problème, c’est le marketing, qui prend le pas sur le reste. Le coup de projecteur me fait un peu peur, mais bon, on ne va pas se plaindre. Pour “La femme à barbe”, j’ai choisi Jeanne (Cherhal), qui est une amie, Nina (Morato) que je connaissais un peu et Olivia (Ruiz), que je ne connaissais pas du tout, car je voulais trois caractères bien trempés, vocalement et humainement, pour une chanson explosive. » Et on imagine bien Emily en fille de forains, éternellement sur la route, dans une roulotte, entre freaks et femmes à barbe : « Le côté saltimbanque m’a toujours fascinée. J’ai pas mal voyagé dans ma tête, et pour de vrai un peu partout. Un de mes oncles avait une troupe ambulante au Canada. Ma grand-mère canadienne a beaucoup voyagé, elle aussi. Ils m’ont raconté… J’ai beaucoup fantasmé sur le côté forain. »
Emily Loizeau sera aux Nuits le 15 mai, sous Chapiteau.
Album Pays sauvage (Polydor-Universal).
http://www.myspace.com/emilyloizeau
COLJON,THIERRY