Le plus pop des groupes versaillais nous
revient avec « Wolfgang Amadeus Phoenix ».
L’heure de la consécration a-t-elle sonné ?
Entretien
On les imaginait petits-bourgeois péteux, artistes parigots prétentieux. La faute à Versailles, au cinéma, au couple que forme Thomas Mars, leur chanteur, avec Sofia Coppola… Tout faux. Les Français de Phoenix sont des mecs simples, modestes et abordables. Rencontre dans un bruyant café bruxellois.
Qu’est-ce que vous cherchiez à faire ou à tout prix éviter quand vous avez commencé à plancher sur ce nouvel album ?
Laurent Brancowitz : Nous n’avons jamais d’idée précise quand nous nous mettons à travailler. Juste un désir flou qui est généralement de prendre le contre-pied du disque précédent. Dans le cas contraire, nos vies deviennent infernales, ennuyeuses et lassantes. Pour nous, enregistrer un disque est toujours quelque chose d’éprouvant. Une espèce de torture qui nous confronte à nos limites. Pendant deux ans, nous nous retrouvons au pied d’un immense mur. A chaque fois, nous nous disons que nous allons procéder autrement. Que tout va très bien se passer. Qu’en deux mois, nous allons mettre en boîte notre meilleur disque. Deux ans plus tard, nous réalisons que nous avons encore atrocement souffert et que nous avons emprunté des directions insoupçonnées.
En gros vous êtes d’éternels insatisfaits ?
L.B. : Nous avons l’impression que beaucoup de groupes sont contents de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Alors que nous, nous avons toujours l’impression que nous pourrions aller plus loin. Nicolas et Jean Benoît sont des amis. Quand ils entrent en studio, ils sont sereins, confiants. Ils savent qu’ils vont faire du Air. Moi, je suis très envieux de ce sentiment. Et en même temps, c’est ce qui nous caractérise. Nous n’avons pas de méthode. Nous misons énormément sur la chance. Nous sommes très humbles par rapport à la musique. Les meilleures choses qu’on a réalisées sont nées par accident. Le produit du hasard plus que de notre créativité personnelle.
Il paraît que vous vous la jouez Ghostbusters ?
L.B. : Nous avons trouvé le dictaphone qu’il nous fallait. Il a un son parfaitement pourri. Il embellit tout et il ne nous reste que l’essence des idées. C’est le dictaphone dont se servent les chasseurs de fantômes. Ils enregistrent avec cet appareil dans des pièces vides et le son est si compressé, pollué par des défauts techniques qu’il leur donne l’impression d’entendre des voix. Il est hypercher parce qu’il est très convoité. Bref, nous nous enregistrons tout le temps. Puis, nous trions.
Vous avez bossé dans le studio parisien du peintre Théodore Géricault, dans un bateau sur la Seine et au Bowery Hotel à New York. Vous avez la bougeotte ?
L.B. : On préfère travailler dans des endroits vierges. Nous n’irions jamais enregistrer à Abbey Road, comme Oasis ; il n’y a plus rien à tirer de ce studio. Tout a déjà été sucé.
Deck d’Arcy : Nous tentons donc de trouver des lieux de travail plus ou moins originaux, improbables. Pour le Bowery, par exemple, on avait un peu le fantasme de Truffaut qui écrivait ses scénarios dans des chambres d’hôtel. Le rafiot, c’était bien joli mais nous n’y avons pas vraiment avancé. Puis, certains ont eu le mal de mer. De toute façon, nous terminons toujours dans la pièce la plus petite et la plus sombre. Géricault, nous avons bossé dans sa cuisine qui sonnait mieux que l’atelier en lui-même.
En dévoilant votre premier single sur internet en février, vous avez réalisé un joli coup marketing ?
L.B. : Il s’agit de la décision la moins commerciale du monde. Nous l’avons prise sur un coup de tête. Dix minutes plus tard, la chanson était en ligne. Après, le bouche à oreille fonctionne. Si c’est ça le marketing, alors oui. Génial. Je trouve le truc très sain. Plein de gens pensent qu’on pleure toutes les larmes de notre corps parce que nos albums sont téléchargeables gratuitement sur le web. On pouvait déjà trouver « Wolfgang Amadeus Phoenix » sur la Toile trois mois avant sa sortie. Mais pour nous, le bilan est superpositif : plein de monde écoute notre musique ; et on ne doit plus passer à travers le filtre d’une industrie musicale qui nous a toujours desservis.
Wolfgang Amadeus Phoenix
Offert gratuitement sur le site web du groupe dès le 23 février dernier, « 1901 » est devenu le morceau le plus blogué du monde dans la semaine qui suivit, selon les rapports d’Elbows. Depuis le 4 avril, Phoenix peut par ailleurs se targuer d’être le premier groupe rock français reçu comme invité dans l’émission Saturday Night Live de la NBC. Si ce nouvel album n’est certes pas son meilleur (certains disent même qu’il s’agit du moins bon), il deviendra cependant, plus que probablement, celui de la consécration. Produit et mixé avec Philippe Zdar (Cassius), Wolfgang Amadeus Phoenix contient les tubes nécessaires à la propagation rapide du virus. Contagieux, « 1901 » et « Lasso » vont faire monter la température des dancefloors et des festivals d’été. La fièvre est versaillaise. (V2)
En concert le 5 juin à l’Orangerie (Botanique), à Bruxelles, et le 21 août au Pukkelpop, à Hasselt.
http://www.myspace.com/wearephoenix
BROQUET,JULIEN