La chanteuse américano-mexicaine basée à Montréal publie son troisième album en douze ans de carrière. Et c’est magique !
Lhasa fait partie de ces artistes rares que rien ne semble atteindre. Crise du disque ? Quelle crise du disque ? Pressions de son label ? Quelles pressions ? Stratégies ? Quelles stratégies ?
En fait, elle fait ce qu’elle veut, au rythme qui lui sied, avec qui lui plaît. Et c’est pour ça que la chanteuse sort un disque chaque fois différent. Il y eut La llorona, en espagnol, en 1997. Suivi en 2003 du trilingue (français, anglais et espagnol) The living road. Des croisements world qui l’ont révélée, comme ses concerts toujours inspirés.
Et puis voilà qu’elle nous revient avec un disque portant tout simplement son nom, exclusivement en anglais et d’obédience folk : « Trois albums, c’est beaucoup pour moi, nous dit-elle sans rire. La liberté de procéder ainsi, on la prend, on ne nous la donne pas. Ce n’est pas que je tienne à tout prix à laisser passer autant de temps entre chaque disque mais je ne livre un album que lorsqu’il est prêt, lorsque je suis allée au bout de chaque chanson. Chacune me fournit une idée, puis je passe aux arrangements. Chaque étape donne la forme. C’est comme qu’on est en accord avec ce qu’on fait et qu’on est fier de son album. »
Chaque fois, du coup, Lhasa de Sela change d’équipe. Cette fois, elle s’est entourée d’un tout nouveau groupe de musiciens montréalais avec lequel elle tournera : « Ce n’est pas que je sois infidèle. L’idéal serait de garder la même équipe chaque fois. Mais j’ai essayé avec l’ancien groupe et je me suis rendu compte qu’il manquait quelque chose, avec ces chansons. J’ai donc essayé autre chose. »
Le plus folk et le plus serein
Lhasa aime tester. Prendre son temps donc – mais aussi peindre, lire et écrire des contes. Vivre, quoi.
Sur ce disque, elle noue une très belle collaboration avec Patrick Watson, l’autre Montréalais bourré de talents : « On se connaît depuis six ans. On a déjà fait beaucoup de choses ensemble. Il a fait certaines de mes premières parties. Il m’a fait écouter deux musiques – que j’ai prises – et il m’a demandé un texte. On partage certains musiciens… »
Ce disque, sans contexte son plus folk, est empreint d’une plénitude qui fait plaisir à entendre. Et ça lui va comme un gant : « C’est conscient. Je m’en suis rendu compte quand les chansons se sont accumulées. Ça remonte à des racines américaines profondément ancrées en moi, alors que les deux précédents albums relevaient des voyages et de mes racines mexicaines. Aujourd’hui, je vis à Montréal mais je me sens toujours très américaine même si ma famille me dit que j’attrape un accent. J’ai vécu plus de trois ans à Marseille et maintenant, ça fait 15 ans que je suis montréalaise. Je ne me sens donc pas exilée. J’aime cette ville bilingue comme Bruxelles et ses différents degrés d’identité. »
Lhasa aime aussi multiplier les collaborations. On a entendu sa voix mêlée à celle de Bratsch, Arthur H et Stuart Staples : « J’aime les gens et les chansons. Quand j’entends une mélodie qui me plaît à la radio, je peux la chanter toute l’année. J’ai d’ailleurs en projet un album de reprises. J’aime les chanteurs aussi. Quelqu’un comme Leonard Cohen, par exemple, avec lequel j’aimerais un jour chanter : il a touché plusieurs générations, sans jamais se soucier des modes. C’est merveilleux ! »
Lhasa sera à Bruxelles au Cirque royal le 17 octobre, et à Anvers le 31 octobre.
Album Warner.
THIERRY COLJON