Laurent Garnier est l’un des cinq plus grands artistes de la musique électronique d’aujourd’hui. Après deux décennies, le DJ et producteur français a sorti avec Tales of kleptomaniac son disque le plus mature. Que l’auteur de l’infernal « Crispy bacon » défendra en live et avec un groupe à Rock Werchter. Laurent nous en parle, pas plus tard que tout de suite.entretien
Comment avez-vous retranscrit ce nouvel album pour la scène ?
Je n’ai pas cherché à le retranscrire parce que quand je l’ai écrit, je n’ai pas pensé au live. J’ai plutôt reconstruit les chansons. Toutes les versions sont donc un peu différentes des versions originales. Nous sommes cinq sur scène dont Scan X aux machines. C’est lui qui a mixé tout l’album.
Quand on enregistre un disque, on ne pense pas nécessairement à se produire en public ?
Je préfère me concentrer sur une chose à la fois. C’est plus simple. Je n’avais pas envie de me restreindre dans l’album studio en me disant que je n’allais pas arriver à retranscrire telle ou telle chose sur scène. Scan X dit toujours : « Un album qui est facile à retranscrire en live, c’est un album qui n’a pas été assez loin. » Ce n’est pas faux.
Votre expérience de DJ est-elle un atout pour vous produire entouré de musiciens et non de machines ?
Non, pas vraiment. Lors d’un set, tu as toujours un disque qui peut te sauver si jamais tu sens que la salle va moins bien. Contrairement à un set, je ne travaille pas sur l’énergie. Alors bien sûr que nous avons des moments plus enlevés, mais tout ne l’est pas. Cela dit, si je suis à l’affiche d’un festival de jazz, je ne vais pas faire la même chose qu’à Werchter. Dans un cadre jazz, je vais m’attarder sur les solos et les thèmes.
Vous n’avez plus d’angoisse à devoir gérer machines et musiciens ?
Ça va mieux. C’est vrai qu’au début, je n’avais pas l’habitude et je ne dirigeais pas vraiment les musiciens, c’était assez libre. Et là, depuis que j’ai formé ce groupe, on a beaucoup parlé entre nous, ils m’ont fait part de leurs attentes et notamment ils ont clairement exprimé le plaisir d’être dirigés.
De plus en plus, j’ai commencé à voir la marge de manœuvre supplémentaire que j’avais en les dirigeant. Je peux faire respirer les morceaux, leur donner des accélérations et des colorations différentes. Le fait d’avoir Scan X avec moi me permet de prêter attention à ce qui se passe et à profiter de ce que je fais. J’ai trouvé mon équilibre parce que j’ai toujours souffert de ne pas être musicien et, en fin de compte, je les fais parler comme j’aimerais parler moi-même.
En écoutant ce nouvel album, on a le sentiment d’écouter un best of de Laurent Garnier…
J’avais besoin d’exorciser mon désir, de faire quelque chose de cinématographique avec The cloud making machine. C’est vrai que Tales of kleptomaniac n’est pas si éloigné d’un mélange de 30 et de Unreasonable behaviour.
Pourquoi ce titre ?
En tant que DJ, on joue déjà la musique des autres. Et on écrit ensuite sa propre histoire avec la musique des autres, ce qui fait de nous des kleptomanes totaux – des voleurs obsessionnels il n’y a pas d’autre mot. C’est notre métier d’aller prendre à droite et à gauche. Je ne connais pas de musiciens qui font de la musique sans s’inspirer de la musique des autres, en écoutant à droite et à gauche, sans voler, bien sûr. En art, que tu fasses de la peinture, de la photo ou de la musique, tu t’inspires toujours du travail des autres. C’est complètement assumé.
L’heure de bonus que vous offrez gratuitement via l’Opendisc avec « Tales of kleptomaniac » est peu courante à l’heure actuelle…
J’avais envie de sortir un double album. Aujourd’hui, sortir un disque, c’est déjà un peu suicidaire mais un double, c’est carrément signer son arrêt de mort. Ces morceaux, j’y tenais beaucoup parce que c’est un autre travail que j’avais envie de faire partager. De là est née l’idée d’en faire un opendisc qu’on offre aux gens qui sont quand même les plus grands fans puisqu’ils achètent le disque. C’est une belle solution.
Quand avez vous senti que les DJ étaient perçus comme des artistes à part entière ? Lors des Victoires de la musique il y a dix ans ?
Le sont-ils aujourd’hui ? Est-ce que c’est mon disque qui a fait gagner la Victoire ou est-ce que c’est ce que j’ai fait dans ma carrière pendant ces dix premières années qui ont fait que j’ai gagné la Victoire ? Je ne sais pas. C’est vrai que je me suis battu pour ce mouvement, j’ai même ouvert ma gueule un peu fort à un moment donné, peut-être que c’est ça que les gens ont voulu remercier ? Est-ce qu’aujourd’hui, le métier de DJ est réellement installé ? Dans le monde de la musique, oui. Je pense qu’on a plus de légitimité aujourd’hui, qu’on a, là, plus de poids qu’il y a dix ans – mais, pour le quidam moyen, je n’y crois pas une seconde.
Est-ce que les mômes ont envie de devenir DJ ?
Je pense qu’ils ont plus envie de prendre une guitare et de rejoindre un groupe de rock. Comme il y a vingt ans. Si le statut de DJ pouvait faire rêver il y a sept ou huit ans, c’est un peu dépassé aujourd’hui.
Comme vous l’expliquez dans le livret de ce nouvel album, vous vous êtes extrêmement diversifié ces huit dernières années. Musiques de films et aussi création pour de la danse contemporaine. Est-ce que ces expériences ont concrètement débouché sur d’autres aventures, d’autres projets ?
Je vais faire la musique d’un spectacle pour le Bolchoï, à Moscou, avec Angelin Preljocaj. Il y aura dix danseurs de sa troupe et dix danseurs du Bolchoï. C’est un spectacle qui sera présenté en 2010. C’est génial, je fais la musique du début à la fin – et ensuite le spectacle tournera, un peu partout, dans le monde entier.
Où en est votre projet d’adaptation d’« Electrochoc », votre autobiographie au cinéma ?
Ce sera une libre adaptation sur laquelle on travaille depuis deux ans et demi. Tout ce que je peux dire, c’est que le réalisateur sera anglais et que je risque de travailler avec les gens du label Warp.
En concert le jeudi 2 juillet à Werchter à la Pyramid Marque de 20 h 35 à 21 h 35.
Album Tales of kleptomaniac (PIAS).
PHILIPPE MANCHE
joelapompe
2 juillet 2009 à 14 h 33 min
“Laurent Garnier est l’un des cinq plus grands artistes de la musique électronique d’aujourd’hui.”
C’est qui les 4 autres? Parce qu’autant Garnier est un excellent DJ, autant sa production propre est plus anecodtique, à part un ou deux classiques (dont acid effeil)
fabian
3 juillet 2009 à 6 h 44 min
@joelapompe
Je me suis fait exactement la même réflexion en lisant l’article!
Jeff Mills
Aphex Twin
Carl Craig
Richie Hawtin
non?
Je trouve parfois qu’il est juste l’opposé de Carl Craig, qui lui est génial dans la production et très moyen en dj-set.
Malgré cela, il est en effet un des big5!
joelapompe
3 juillet 2009 à 16 h 21 min
Je ne suis pas dingue de Carl Craig, que j’estime très surestimé.
Par contre, il y a les Chemical Brothers qui ont tendance à passer pour des has-beens alors qu’ils restent plutôt intéressants, côté plus pop.
Et Autechre, naturellement…