Esperanzah ! c’est parti. Nous avons posé trois questions à Anthony Joseph.
Votre disque « Bird Head Son » est la bande originale idéale de la diaspora noire. La musique et l’art en général ont-ils, selon vous, contribué à l’intégration dans les sociétés occidentales ?
Une question difficile. L’histoire des noirs en occident est une histoire de souffrance, d’exploitation, de viols, de pillages. Je pense en fait que l’art « black » a aidé les Occidentaux à s’intégrer dans le monde africain. André Breton, par exemple, déclarait que l’une de ses principales inspirations pour le surréalisme lui venait des côtes africaines. Pour lui, l’art africain est par essence surréaliste. Il n’a fait qu’en explorer certains éléments. Le Martiniquais Aimé Césaire était à ses yeux le plus grand surréaliste. Parce qu’il ne devait pas essayer de le devenir. Il l’était naturellement. Dans l’autre sens, l’intégration ne se fait que par la force. La situation change mais on ne peut pas oublier le passé.
Au début des années 90, à Londres, émergeait la scène black rock. En quoi consistait-elle ? Qui, à part votre groupe de l’époque, en faisait partie ?
Keziah Jones (qui a participé à l’enregistrement de « Bird Head Son »), Shingai Shoniwa, la chanteuse des Noisettes ou encore Skunk Anansie. Je me souviens avoir rencontré Skin avant qu’elle n’enregistre quoi que ce soit. Au moment où elle ne faisait qu’y penser. En même temps, ce courant avait été inspiré par les Américains de Bad Brains et de Living Colour. Il ne sonnait pas très anglais, ni très africain d’ailleurs.
Vous avez sorti deux albums, écrit un roman de science-fiction et des tas de poèmes. Quel est au final le meilleur média pour faire passer un message ? La littérature ou la musique ?
L’écrit, le verbal et le corporel ne font qu’un. Ils sont langage. Mais tandis que la parole et le geste sont volatiles, l’écrit reste. Dure. On peut l’emmener, le relire, l’assimiler. Jusqu’ici, mes bouquins n’ont jamais été traduits. J’aimerais bien mais c’est difficile quand on expérimente avec les mots…
JULIEN BROQUET