Pukkelpop tendance « shoegazing »

A PLACE TO BURY STRANGERSImaginez un mur sonore, dressé parla ou les guitares, mur travaillé, distorsionné et sculpté au fil des couches et des effets ajoutés par les musiciens. Les voix sont très peu mises en avant, le contact avec le public réduit à un strict minimum. C’est cela, et le fait que nombre de ces musiciens préféraient regarder leurs chaussures ou restaient penchés sur leur instrument, qui a valu à cette tendance d’être baptisée «shoegazing» par la presse britannique.

À l’époque, elle n’en avait que pour des formations comme My Bloody Valentine, Ride ou encore The Jesus and Mary Chain. Au Pukkelpop, la renaissance s’opère avec My Bloody Valentine en chair et en os, remonté sur les planches après une dizaine d’années de séparation. La discographie du groupe n’est pas pléthorique, mais l’album Loveless fait office de manifeste. Jeudi en début de nuit, c’est au même genre de manifeste que les courageux rassemblés au Marquee ont eu droit.

Courageux parce que le son est resté à ce point dans le rouge qu’on en a vu quelques dizaines prendre la poudre d’escampette, les mains sur les oreilles. C’est vrai qu’un quart d’heure de quasi-bruit blanc, ça effraie, mais avec My Bloody Valentine, la musique, on ne l’écoute pas. On la vit. Et ça laisse des séquelles jusque tard dans la nuit.

Ce vendredi, on a retrouvé les mêmes racines dans le son d’A Place To Bury Strangers: la batterie cavale comme une boîte à rythmes piquée aux Sisters Of Mercy, la basse se fait le plus souvent caverneuse et, derrière, toujours ce mur de guitare. Aujourd’hui, ce sera au tour de Deerhunter, groupe d’Atlanta, de revisiter ces ingrédients…

L’appellation, les deux Anglais qui forment The Big Pink la réfutent même si on a déjà pu l’entendre à leur propos également. Croisés en backstage, Robbie Furze et Milo Cordell, qui citent les Pixies parmi leurs groupes fétiches, s’en tirent par une pirouette quand on leur pose la question: « Nous n’aimons pas trop coller des étiquettes ou parler de genres musicaux. Nous préférons utiliser des métaphores plus organiques. Pour nous, ce serait le sang, le sperme et la sueur. Vous en faites un cocktail et vous vous l’injectez. Ça, c’est The Big Pink. »

Avant d’ajouter, pour terminer cette brève rencontre: « Si tu vois Kevin Shields, dis-lui bonjour de notre part. Nous le considérons comme notre mentor. » Kevin Shields? La tête pensante de My Bloody Valentine…

Comment expliquer ces retours en grâce? Les revivals du grunge et du «shoegazing» sont-ils dus à des lubies de maison de disques, des goûts de journalistes, des tendances dans le public? Où sont-ils directement liés à la qualité des musiciens et de leurs groupes? Un embryon de réponse nous a été soufflé par Alex Callier (Hooverphonic, et aujourd’hui HairGlow): «Ce sont des cycles qui reviennent tous les vingt ans, c’est-à-dire le temps qu’une génération grandisse et découvre un genre musical qu’elle n’a pas connu à l’origine. »

DIDIER STIERS et JULIEN BROQUET


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8 Comments

  1. zaza

    21 août 2009 à 23 h 32 min

    My Bloody Valentine, j’y étais : waaaaaaaaaaw ! 🙂

  2. Pagaille

    22 août 2009 à 2 h 11 min

    … Et encore quelques futurs sourds et malentendants en perspective…

    Car ces groupes, pour produire le mur du son, dépassent ou font dépasser allègrement les pauvres quelques petites règles généralement plus ou moins observées par les salles.

    En témoigne par exemple mon expérience douloureuse au dernier concert de Deerhunter à la Rotonde du Botanique, peu réputée pour produire des concerts propres à démolir les oreilles… De la folie pure.

    Sans même épiloguer sur la stupidité intrinsèque de faire de la musique à un niveau tel que le public est obliger de se boucher les oreilles, je pense qu’il est irresponsable de permettre que de tels niveaux soient produits.

    Je sais qu’on me dira que je généralise, mais à ma connaissance, le milieu du shoegazing (que je ne déteste pas, artistiquement parlant !) est habitué à ce genre de comportement… Et c’est bien triste.

    Voir http://www.lastfm.fr/user/Pagaille-Bxl/journal/2009/05/29/2rc0tb_much_too_loud

  3. Liam

    22 août 2009 à 9 h 57 min

    C’est quand même hallucinant de reprocher aux shoegazers de jouer trop fort…On y va en connaissance de cause, surtout avec My Bloody Valentine. Ce serait comme interdire Chantal Goya de chanter avec ses lapins sur scène, on perdrait l’essence de la démarche artistique…

  4. Digz

    22 août 2009 à 11 h 05 min

    Pagaille a un point en ce qui concerne Deerhunter: ce concert était imbuvable a tous points de vue et il n’y a poas des tonnes de gens qui ont pu encaisser leur petit jeu toute la durée du concert. Je n’ai vu MBV qu’à l’époque de leur concert de l’AB (92?) et bien que je les aime bcp sur disque, il faudrait me pousser dans le dos pour aller les revoir. Cette anecdote mise à part, certains autres groupes de l’époque (Chapterhouse, Ride, etc) ont prouvé qu’il est possible de jouer en “mur du son” sans pour entendre faire saigner des tympans.

  5. philippe leboutte

    22 août 2009 à 11 h 08 min

    Dans le cas de My Bloody Valentine je me demande si la surenchère dans le haut volume n’est pas la surtout pour pallier la vacuité des compos. Un peu quand même.

  6. Mez

    22 août 2009 à 11 h 32 min

    Dommage ne pas mentionner Swervedriver, une des meilleures formations de l’ère shoegaze (90-95). Je n’ai pas peur de dire que Raise et Mezcal Head sont aussi bons que Loveless.

  7. Noah Dodson

    22 août 2009 à 16 h 32 min

    @Zaza
    Justement je pensais a toi pendant cet interminable 1/4 d’heure (a cote de ca le Metal Machine de Lou Reed peut aller se coucher). My Bloody Valentine et toi avez une chose en commun: deranger les oreilles non-averties. Mais eux ils le font (et l’ont toujours fait) d’une maniere tellement plus… developpee … et exquise!

  8. zaza

    22 août 2009 à 20 h 08 min

    Merci Noah ! 🙂

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