Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin veillent jalousement à la destinée de Air depuis douze ans. Le duo français de pop électronique, auteur notamment de la musique du film « Virgin Suicides », est l’un des groupes de l’Hexagone les plus populaires à l’étranger. « Love 2 », le nouvel album qui sort ce lundi, renoue avec le charme vénéneux de « Moon Safari » : planant et ludique, chaud et enjoué. Derrière l’image chic et glacée se cachent d’authentiques fans de musique.
On avait toute une volée de questions à poser à Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin en les rencontrant à Bruxelles, il y a deux semaines, dans les locaux de leur firme de disque. Sur leur nouvel album, l’excellent Love 2, pas loin d’être leur meilleur depuis le coup de génie de Moon Safari (1998). Ce nouveau Air est bien sûr sophistiqué mais pas glacé, plus tourmenté qu’il n’y paraît, d’une rare élégance et gorgé de mélodies coquines.
On souhaitait aussi aborder des choses plus personnelles. Avec des questions sur eux aussi. Parce qu’en douze ans, Jean-Benoît et Nicolas cultivent une espèce de dandysme un tantinet agaçant. Qui n’enlève rien au fait que Air s’est construit ce qu’on appelle communément une carrière à travers ses propres disques, bien sûr, mais aussi les musiques de film (Virgin Suicides) ou des productions pour d’autres artistes (5 : 55 pour Charlotte Gainsbourg). Et puis, boum ! On ouvre la porte pour y trouver un Nicolas plongé dans Le Figaro du jour et sa photo de Valéry Giscard d’Estaing et de Lady D…
Les femmes sont attirées par le pouvoir, ce n’est pas nouveau. Vous en avez d’ailleurs une excellente illustration à l’Elysée. Lorsque des femmes vous font du gringue, c’est parce que vous êtes des mecs cool ou parce que vous êtes membres de Air ?
Nicolas : Nous ne sommes pas vraiment connus. Un soir, j’étais avec Charlotte Gainsbourg à un concert des White Stripes. Lorsque les lumières se sont rallumées, ce n’est pas moi que les gens photographiaient avec les téléphones portables, mais elle. La célébrité devient un but en soi aujourd’hui. Alors qu’avant, il fallait faire quelque chose pour y accéder. Au-delà de ça, je ne suis pas convaincu que ça doit être agréable d’être ultraconnu. Nous n’avons pas atteint ce niveau de célébrité. Notre niveau de notoriété doit beaucoup à nos personnalités.
J’aime à croire que si les femmes s’intéressent à moi, c’est parce que je suis quelqu’un d’intéressant et pas le mec de Air. Peut-être que je me rassure comme ça. Par contre, si nous avons créé, c’est parce que nous en avions vraiment envie. Nous nous sommes faits nous-mêmes, sans gagner un concours. Et je pense que nous sommes dignes d’intérêt quoiqu’il arrive même si c’est sûr que Air est un groupe cool. Après tout, si c’est cool, c’est aussi parce qu’on est dedans et qu’on doit être cool quelque part.
La manière de consommer la musique a changé en douze ans. Idem chez les journalistes qui reçoivent votre disque sur un fichier et l’écoutent sur un ordinateur. Ça vous inspire quoi ?
Nicolas : Nous sommes issus d’une génération qui a connu autre chose. Ceci dit, les gens, en général, écoutent de la musique sur leur ordinateur et n’ont même plus de chaîne chez eux. C’est hallucinant. Nous, on connaît le son en studio. C’est un gros nivellement pas le bas. En termes de qualité et de symbolique. Tu lis des e-mails en écoutant de la musique.
On a le sentiment que Air s’est un peu perdu sur « Pocket Symphony », votre précédent album. Pourquoi ?
Nicolas : On tente des trucs. Parfois on touche au but et parfois on s’en éloigne. La musique n’est pas une science exacte. Ce qui compte, plutôt que de chercher un résultat, c’est d’essayer de se remettre en question.
Jean-Benoît : Pocket symphony est un album aussi expérimental que l’était 10.000 Hz Legend dans le côté recherche de son. Nous avions cette vision que le futurisme était dans des sonorités un peu japonisantes.
Nicolas : Aujourd’hui que Love 2 est en boîte, je m’aperçois que Pocket symphony, avec ce côté glacé et méticuleux fait ressortir sa personnalité et son étrangeté. Notre critère est avant tout artistique. Nous nous sommes fait peur artistiquement parce que nous étions au bout d’un concept de musique planante.
« Love 2 » est un disque très enjoué, presque hippie et qui contraste avec la mélancolie de son prédécesseur…
Nicolas : Nous n’avons jamais été aussi proches des gens. D’habitude, il y a toujours un peu de distance mais là, nous nous sommes mis à nu.
Au début de votre carrière vous étiez froids et distants en interview, presque sur la défensive. On vous retrouve aujourd’hui affables et détendus…
Jean-Benoît : C’est une formule bateau, mais on a grandi. Avant, Air était toute notre vie et aujourd’hui, nous avons d’autres vies. Ailleurs.
Nicolas : Il y a des tas de choses qui étaient importantes pour nous et dont nous n’avons plus rien à foutre aujourd’hui.
Album Love 2 (Virgin -EMI). Sortie ce lundi 5 octobre.
PHILIPPE MANCHE
mathal
5 octobre 2009 à 16 h 20 min
Est-ce que je le dis? … Oui je le dis! (Je cite Dick Annegarn dans une de ses vieilles chansons).
On ne dit pas “faire du grain” mais “faire du gringue”.
Avant écrire (un livre, dans un journal) cela voulait dire aussi lire beaucoup. Maintenant ceux qui écrivent n’ont plus tellement l’air de lire. Ils apprennent la langue phonétiquement et ne comprennent plus le sens de ce qu’ils écrivent. Ils font quoi avec leur casque sur les oreilles, à écouter des fichiers mp3 qu’ils ont chopé à gauche et à droite?
O tempora, o mores!
zaza
5 octobre 2009 à 17 h 44 min
Ils sont, je pense, surtout tenus par des délais de plus en plus courts qui n’autorisent pas toujours une relecture approfondie.
Cela dit, c’est vrai qu’à la lecture ça fait un peu biesse, “faire du grain”.
wadafuck
6 octobre 2009 à 8 h 05 min
Dans tout bon journal qui se respecte, il y a des relecteurs ! C’est une profession à part entière qui exige beaucoup de connaissances, de concentration et d’application.
J’en profite pour vous soumettre l’adresse du blog des correcteurs du Monde. Bon, c’est clair, on boxe dans une autre catégorie, ces relecteurs sont des vrais amoureux de la langue…
http://correcteurs.blog.lemonde.fr/
zaza
6 octobre 2009 à 9 h 57 min
Merci pour le lien.
Le Soir n’a peut-être pas le budget ou l’envie d’engager une personne avec un tel profil.
wadafuck
6 octobre 2009 à 10 h 09 min
Et nous le regrettons !
Le Soir
6 octobre 2009 à 13 h 02 min
merci les gars, c’est corrigé.