DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
Le Printemps de Bourges a présenté, pour sa trente-quatrième édition, une création originale: le concert inédit d’un supergroupe exclusivement féminin comprenant Olivia Ruiz, Camille, Jeanne Cherhal, Emily Loizeau, La Grande Sophie et Rosemary de Moriarty.
Un moment rare, dans un Palais d’Auron vite sold-out qui n’a même pas pu accueillir les nombreux professionnels présents au festival. Un concert comme on n’en avait plus vu depuis la mini-tournée des Aventuriers d’un autre monde qui réunissait en 2007 Bashung, Aubert, Cali, Kolinka, Darc et Raphael.
Cette fois, ce sont six des filles les plus en vue du moment qui ont décidé de prendre le pouvoir en imaginant un spectacle original et inédit: les Françoises.
Olivia l’annonce dès l’entrée sur scène par un canon de Maurice Ohana, puis un extrait d’Il Giustino de Vivaldi adapté par Iko: “Ce soir, chaque Françoise va interpréter une chanson d’une autre Françoise».
Toutes sont belles, hyper sexy, terriblement femmes, à la fois douces, rebelles et drôles. Entre chaque chanson, on se croirait aux répétitions où les filles se chahutent, se taquinent, se remontent les bretelles, se décoiffent. L’ambiance est décontractée et dans ce monde sans mec – sinon les roadies esclaves anonymes –, on rit beaucoup dans une mise en scène de Juliette Dechamps et une direction musicale d’Edith Fambuena.
Leurs plus belles chansons sont ainsi revisitées, chacune passant à son tour derrière le piano, à la guitare, à la basse, aux graviers, ou à la batterie.
L’île aux Françoises devient un pays sauvage où les femmes à barbe sont belles et naturelles, copines et complices, tendres et sensibles. En une heure vingt, on passe par toutes les émotions, jusqu’aux larmes, quand, en rappel, elles nous reviennent toutes les six, bougie en main, pour reprendre, a capella, le sublime «Floricanto» de Lhasa, récemment disparue.
Nos six championnes ont laissé leur ego au vestiaire pour s’amuser et rendre hommage au talent d’auteur et de compositrice de chacune d’entre elles. Si la voix de Rosemary Françoise est un puits de force et de sensibilité, la délicatesse de Jeanne-Françoise est soulignée tout autant que la force de Françoise C. et de La Grande Françoise. Olivia-Françoise, avec ses plumes bleues sur les fesses, est le soleil de cette basse-cour dont le public est le plus flatteur des miroirs.
L’emploi du temps de chacune hypothèque l’avenir des Françoises. On aimerait tant pouvoir partager ce moment unique avec le plus grand nombre. Surtout quand elles offrent l’inédit «Je m’appelle Françoise», un vrai tube immédiatement chantonné par le public, qu’elles ont écrit et composé ensemble.
Quelle leçon en tout cas pour leurs collègues mâles. Quelle classe, quelle beauté, quelle délicatesse, quelle féminité exacerbée. C’est là qu’il se trouve le nouveau féminisme, ce girl power de la chanson française: dans l’affirmation d’échange et de générosité, de partage et de plaisir simple.
Un petit et grand plaisir sans lendemain. Une histoire drôle et triste à la fois.THIERRY COLJON