Elle n’a pas inventé le port de la moustache pour stimuler l’inspiration, Luce-de-la-Nouvelle-Star-qui ressemble-à-Beth-Ditto-d’après-Philippe-Manœuvre. Les frangines Casady l’ont inauguré avant, na !
Voilà en effet des lunes que Bianca et Sierra s’amusent avec des allers-retours transgenres. Et si on ne sait parfois pas trop jusqu’où les prendre au sérieux, ils les rendent plus créatives. Sic. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’à l’approche du nouvel album (Grey oceans sort ce 3 mai), une interview avec ces dames est un exercice. Pas simple de ne regarder que dans les yeux deux créatures arborant sous le nez de voyantes pilosités dessinées au crayon de maquillage. L’une (Sierra) sourit, taiseuse. L’autre (Bianca) parle, mais comme les bonnes actrices n’a pas peur des silences. C’est elle qui pose les premières questions : « Didier, c’est votre prénom ? On peut vous appeler Didi ? On vous appelait comme ça quand vous étiez petit ? »
Le temps de répondre (« Oui », « Faites donc » et « Oui »), on leur retourne la question. Pour la forme : à la sortie du premier puis du deuxième album (La maison de mon rêve en 2004 et Noah’s ark en 2005), ce fut à chaque fois l’occasion pour les sœurs aux racines indiennes de rappeler qu’on les surnommait Coco (Bianca) et Rosie (Sierra). Depuis, on a eu largement le temps de découvrir qu’elles vivent dans une sorte d’univers parallèle, un monde dont Grey oceans est encore un instantané. Les compos aux allures de ritournelles succèdent aux atmosphères éthérées, plus folk, tissant leur toile entre deux passages plus ou moins electronica. Le tout mis au service d’histoires qui ressemblent à autant de contes pour faire peur aux petiots. Comme « The undertaker », où l’on entend par ailleurs la voix de leur mère psalmodier en cherokee…
Grey oceans a été concocté entre Buenos Aires, Melbourne, Paris, New York et Berlin. « Les lieux en eux-mêmes n’ont pas eu tellement d’influence, commente Sierra lors de l’une de ses rares interventions. Disons plutôt que ça a d’une certaine manière rafraîchi notre état d’esprit. » « Quand vous dormez dans différents endroits, reprend sa sœur, vous faites d’autres rêves que ceux que vous feriez chez vous, à la maison. Bouger a eu pour nous cette sorte d’influence naturelle-là. »
On imagine que leurs nuits n’ont pas dû être tout le temps paisibles : ce quatrième album studio évoque aussi des gibets, des châteaux en bois, des fées qui dansent et des cimetières… polonais. « Chacun des textes raconte en fait une histoire particulière, explique Bianca. Mais de temps en temps, c’est bien plus abstrait. Et les personnages ne sont parfois pas des humains. Dans l’une des nouvelles chansons, c’est un champignon vieux d’un millier d’années. En fait, nous nous sommes lancées dans l’exploration de personnages, de créatures mythiques. »
Elles ont beau vivre en 2010, le « passé » semble toujours les tenter. « Définitivement ! Avec notre musique, nous aimons voyager dans le temps. Et c’est particulièrement vrai pour ce disque avec lequel je pense que nous sommes remontées loin dans le passé. En même temps, nous sommes allées très en avant dans le futur. Tout ce qui se passe dans le monde actuel nous a poussées à nous intéresser de plus en plus à l’artisanat, aux métiers manuels, aux rituels personnels… Ces choses préchrétiennes, ces spiritualités complètement à l’écart des religions… » Tout ça n’est pas clair ? Coco et Rosie citent le cinéma comme un art très voisin du leur. Et pour les comprendre un peu mieux, elles conseillent de visionner La couleur de la grenade, signé en 1968 par le réalisateur arménien Sergei Parajanov, ainsi que La montagne sacrée d’Alejandro Jodorowsky (et son El topo qu’elles relient aux côtés plus dérangeants (re-sic) de leur musique).
Reste à évoquer ces fameuses moustaches. A la question de savoir si elles ont un souci avec la différenciation, Bianca répond que le genre n’est à leurs yeux qu’un autre médium créatif. « Je ne dirais pas que c’est valable pour tout le monde. Ou que les transsexuels sont plus créatifs que les autres. Mais c’est en tout cas la relation que nous entretenons avec la créativité. Ça fait partie de notre liberté, c’est une manière d’explorer notre autre côté. De la même façon qu’on se penche plus sur le règne animal, sur le monde des fées et des gnomes… Nous voulons sortir de l’application strictement humaine du terme « genre ». Nous ne raisonnons plus tellement selon le couple mâle/femelle : nous sommes à la recherche de nouvelles pistes. » Ça doit être ça, « aller très en avant dans le futur »…
Didier Stiers
– En concert le 15 mai aux Nuits Botanique
– Grey oceans (Konkurrent)
[display_podcast]
chasseur immobilier toulouse
2 mai 2010 à 10 h 58 min
Comme quoi Philippe Manoeuvre peut aussi en apprendre….