Après un disque ambient enregistré avec son petit ami, le chanteur de Sigur Ros tente l’aventure en solitaire malgré ses frayeurs. Ça donne « Go », album pop, charmant… et crispant.
Végétarien drôlement sapé, gay affiché, né borgne de l’œil droit, Jon Por Birgisson, dit « Jonsi », est sans doute l’une des personnalités les plus atypiques de la pop moderne. Tout en défendant Go, son premier album solo, l’Islandais s’étend sur Sigur Ros, Pixar et Tiësto.
On s’attendait à un album acoustique. On en est bien loin…
J’ai commencé par enregistrer quelques chansons à la maison. Seul avec ma guitare, dans le salon. L’esprit du disque a changé quand je me suis retrouvé en studio et que j’ai demandé à Nico Muhli (Grizzly Bear, Antony) de se charger des arrangements. Petit à petit, l’album est devenu un monstre un peu fou. Nous sommes partis dans le Connecticut pour mettre en boîte les cordes, les cuivres, le piano, les percussions… Et là, tout a explosé, les chansons se sont imbibées de l’énergie qui les habite aujourd’hui. J’ai demandé à tout le monde d’insuffler de la vie dans ce disque. Nico est quelqu’un de libre et de spontané. Il improvise énormément. Si je me souviens bien, je l’ai rencontré sur un de nos concerts à New York. Je pense même que je l’avais invité. J’avais notamment adoré son travail pour Sam Amidon. C’était comme une peinture. Il créait un monde. Pour Go, je voulais quelque chose de joyeux. De coloré. De… schizophrène !
Le dernier album de Sigur Ros s’était déjà révélé plus enjoué. Vous êtes plus heureux qu’avant ?
Je le pense. Je me laisse davantage aller. Je prends les choses moins au sérieux. Je m’amuse de la vie, je me fais plaisir. C’est peut-être aussi une réaction à notre époque, relativement horrible. Comme à certains messages de fans. Genre : je comptais me suicider et j’ai cessé d’y penser en écoutant ce que vous faites. Ou ce courrier d’un mec qui voulait entrer à l’armée et à qui on aurait fait passer l’idée. C’est dingue, non ?
Vous avez sorti un album avec Alex, votre petit ami, l’an dernier et nous proposez maintenant un effort solo. Pour explorer les différentes facettes de la création ?
Je pense que diversifier les approches permet d’extirper des choses très différentes de soi. Ça fait 16 ans que je bosse avec Sigur Ros. Une éternité. Personne ne m’a mis la pression parce que personne ne savait que je bossais sur un album solo. Mais comme on a l’habitude d’écrire tous ensemble en studio, j’étais quelque peu effrayé. Je n’avais pas le groupe pour me guider, me réconforter. Je ne pouvais plus me cacher. J’étais livré à moi-même. Ça m’a fait flipper, mais c’était sain.
Vous aviez également peur de chanter en anglais ?
Je n’étais pas rassuré. La faute à mon accent. Ce qui est sans doute un peu bête. Ecrire des paroles en anglais représentait un vrai défi. Je parle plus anglais qu’islandais aujourd’hui dans la vie de tous les jours. Cependant, dans le langage courant, tu n’utilises que 5 % du vocabulaire. Ça m’a donc fait beaucoup de bien d’explorer la poésie britannique. J’ai hésité deux jours. Mon manager m’a soutenu, et puis… l’accent très typé d’une Björk peut décomplexer !
Pourquoi avoir travaillé avec DJ Tiësto, dont le travail semble si éloigné de votre univers ?
Tiësto et Sigur Ros, c’est le jour et la nuit. A mes yeux, cette collaboration a agi comme un antidote. Le démon qui sommeillait en moi est peut-être sorti avec la techno. Tiësto a beau incarner l’un des entertainers les mieux payés, jouer dans des stades de foot, je ne l’ai jamais vu en concert. Je ne sais pas si cette expérience peut m’ouvrir à un nouveau public. Ce n’est pas le but. Je pense que pas mal de gens ont une vision erronée de qui on est. Ils nous voient comme des mecs supersérieux, déprimés. Ce n’est pas le cas. D’ailleurs, j’adore les ragots…
Quid de Sigur Ros ?
Après notre tournée, je vais retrouver les gars. On va écrire de nouvelles chansons. Jouer ensemble. Puis retourner en répétition. On devrait pouvoir sortir un nouvel album en 2011. On a déjà quelques morceaux.
Vous avez aussi composé le générique de « Dragons »…
Le réalisateur, Dean Deblois, est un ami et il me l’a proposé. J’aime beaucoup Pixar. Plus encore que son univers, j’apprécie son sens de l’humour. Le film est très chouette. Mon pote avait déjà coécrit Mulan et dirigé notre documentaire Heima. Il m’a aussi filmé en train de jouer mes chansons à la guitare acoustique pour l’édition spéciale de Go. Ce qui permettra au public de découvrir comment le disque aurait dû et pu sonner.
Go
De son propre avis, il fait plein de fautes et possède un accent épouvantable. Mais Jonsi a décidé de chanter en anglais sur son premier album solo. Un album pop, un peu Eurovision de l’indé… qui peut se révéler aussi enchanteur que crispant. Voix de fausset et instrumentation de masse se marient aux cliquetis électroniques flirtant parfois avec le dancefloor. Ceux qui ont fui le dernier Sigur Ros ne risquent pas de rappliquer. Les autres applaudiront des deux mains. Le bonheur des uns…
A l’AB le 29/05 (complet).
JULIEN BROQUET
Cricorev
24 février 2011 à 21 h 25 min
La critique du concert de Jonsi du 21/11/2010 au Cirque Royal à lire ici : http://gigs.skynetblogs.be/archive/2010/11/22/critique-concert-jonsi-21-11-2010.html