Rencontre avec Baloji quelques heures avant sa montée sur scène à Couleur Café. Il nous parle de sa récente tournée congolaise et de la genèse de son excellent album «Kinshasa Succursale».
Tu reviens d’une tournée au Congo, comment ça s’est passé?
Très bien. C’est le centre culturel Wallonie-Bruxelles qui organisait ça. La date à Kinshasa était un peu à part, un peu protocolaire, il y avait beaucoup d’invitations… Il y avait un côté un peu VIP. Mais le reste de la tournée n’avait rien avoir avec ça. Goma et Kisangani que j’ai découvert sont des villes meurtries, quelque part fantomatiques, mais il y a vraiment une âme et une générosité que j’ai rarement trouvé ailleurs.
Comment est-ce que tu es perçu par le public congolais?
Comme un Congolais de la diaspora. La presse au départ à Kinshasa était très interrogative, se demandant «c’est qui ce mec qui débarque?». Et puis avant de repartir on a fait un autre point presse et les retours étaient très différents, beaucoup plus positifs.
Quelles étaient les réactions à un titre comme «Tout ça ne vous rendra pas le Congo»?
En fait, au départ, je ne voulais pas enregistrer ce morceau pour l’album. Et c’est La Chorale de la Grâce qui a insisté pour le faire. Ils voulaient le chanter parce que le fait que je sois de la diaspora me donnait une certaine légitimité pour parler de certains trucs qu’ils ne peuvent pas. En général, les morceaux basés sur l’identité comme «Indépendance Cha Cha» ou «Karibou Ya Bintou» marchaient mieux que les autres. Ils étaient plus perplexes sur les morceaux plus soul et funk, mais en même temps ils découvraient.
Comment est venu l’idée d’aller réenregistrer certains morceaux d’«Hotel Impala» à Kinshasa dans des versions qui mélangent tous les styles de musique noire pour ce qui allait devenir «Kinshasa Succursale»?
En fait je suis fan du groupe Soulwax et de leur album de remixes «Nite Version» que je trouve au final mieux que l’album original. Et j’ai un cousin qui faisait un travail sur la transhumance de la rumba congolaise. Sa thèse c’est que la rumba est née au Congo, et de là elle est allée à Cuba et de Cuba au Brésil… Et puis comment les Congolais ont digéré l’arrivée des stars américaines dans les années 70 et comment tout ça s’est mélangé… A partir de là, je trouvais intéressant de faire un retour à la musique congolaise.
Y a-t-il dans cette démarche un besoin de retour à tes racines?
Ça peut paraître prétentieux, mais en fait, pas du tout. C’est marrant, mais quand j’ai fait «Hotel Impala» je l’ai envoyé un peu partout et la réponse la plus positive est venue du label Honest Jons de Damon Albarn, et eux ils trouvaient ça très américain.
Tu as eu des problèmes avec ta maison de disque EMI pour sortir le disque?
Oui. Le disque a été enregistré en novembre 2008 et EMI m’a dit que le disque était trop communautaire, que ça ne servait à rien de le sortir. Tout mon entourage, maison de disque, manager, éditeur était contre ce projet. J’étais dégoûté. Du coup j’ai viré mon management et me suis mis en porte-à-faux avec EMI et j’ai trouvé un deal avec le Focus Vif et la Communauté française pour sortir gratuitement l’album avec le magasine. Là il est sorti dans le commerce de façon anodine pour faire rupture de contrat avec EMI et on a récupéré le master pour le sortir dans les autres territoires, francophones et anglophones.
Tu as fait un remix d’ «Indépendance Cha Cha» avec Tom Barman (dEUS) sur lequel il chante en swahili…
Oui, je suis très content qu’il ait accepté. C’est un mec qui aime bien les expériences différentes et son swahili, ça a été en trois prises. En échange, je serai sur le prochain Magnus.
Le Congo fête son Cinquantenaire. Lorsqu’on a demandé son sentiment à Femi Kuti, il a répondu qu’en réalité, le Congo et l’Afrique restaient dépendants des autres. Ton sentiment?
Il a raison. Pire, que serait l’Afrique sans l’aide humanitaire? Les structures sont dans un tel état. Je reviens juste d’un événement Greenpeace au Cinquantenaire sur la déforestation, qui est un sujet qui devrait intéresser les Congolais de la diaspora. Mais si il y avait dix Congolais dans l’assemblée, c’est beaucoup.
Propos recueillis par Didier Zacharie