Ils sont très, très forts !

staff.jpgIls savent autant vous mettre de bonne humeur que faire pleuvoir, les Congolais du Staff Benda Bilili ! Notez, pour la drache, ça n’a ennuyé vraiment personne. Ces mecs vissés à leurs fauteuils roulants (encore que…) n’ont aucun mal à faire danser. Au point qu’on leur a renvoyé comme une demande le titre de leur rappel : « Ne me quitte pas ». Dans les loges, nous avons été tailler une petite bavette avec Théo, avant d’aller visionner le docu consacré au groupe phénomène.

Theo « Coude » Nsituvuidi, la voix soprano du Staff, rigole doucement quand on lui parle de tout ce public heureux sous la pluie : « Ça nous fait toujours plaisir d’avoir du monde qui nous entoure comme ça. Nous sommes très contents ! » Ce dimanche soir, ses camarades et lui remettront ça à Dranouter. La campagne flamande vibrera comme a vibré Floreffe. Au son d’une musique dansante mais unique (« C’est de la rumba-blues », dixit notre interlocuteur). Tirée en partie d’instruments qui n’appartiennent qu’à eux, comme cette batterie maison, ou le satonge du jeune Roger, soit une boîte de conserve, un tube en U et un seul fil métallique.

À la base, plus personne ne l’ignore aujourd’hui, le Staff Benda Bilili est un groupe formé par des handicapés et des musiciens de rue. « Deux Français nous ont apprécié, résume Theo, à la base couturier et électricien, grand fan de James Brown et de Bob Marley. On jouait souvent en ville, près des restaurants où les Blancs vont manger. » Tout ce petit monde finit par entrer en studio, puis l’album Très très fort voit le jour en 2009. Après maintes péripéties, racontées dans Benda Bilili!, le film que les deux Français en question, Florent de La Tullaye et Renaut Barret, ont consacré à la formation kinoise.

Tous deux l’ont suivie pendant cinq ans, des premières répétitions à la première tournée triomphale en Europe. Benda Bilili! (« au-delà des apparences ») raconte un rêve devenu réalité, fait par des exclus portés par un mélange de foi inébranlable, de naïveté touchante ainsi que d’un poil de roublardise. Le docu laisse au maximum parler les images et les musiciens. On les accompagne depuis leurs nuits sur des tonkars (cartons, en verlan) jusqu’aux beaux hôtels scandinaves. Ni apitoiement, ni misérabilisme. Certaines séquences laissent sur le cul, comme ces répétitions au zoo de Kinshasa. L’endroit passablement délabré symbolise une sorte d’absurde déliquescence, avec ce cheval qui broute en liberté sur une pelouse mitée pendant qu’un singe devient fou dans une cage perdue au beau milieu de tout.

Benda Bilili! a, oui, un petit côté conte de fées. C’est aussi une formidable leçon d’espoir (cliché, mais on le dit quand même). Et le tableau d’une réalité sociale bien compliquée : l’Europe, nonobstant nos ministres se baladant partout pour supplier de ne pas y venir, fascine toujours autant. Rendez-vous sur nos écrans le 22 septembre.

« Nous sommes apolitiques, reprend Théo. Nous sommes des musiciens et nous ne voulons pas tout mélanger. » Il est issu d’une famille proche de Mobutu, à la rue depuis la chute du dictateur. La musique lui a permis de louer une bicoque (sic) qu’il occupe avec les siens. « Nous avons une chanson qui dit « moto moindo » (ndlr : la plage d’ouverture de l’album), ça veut dire l’homme noir, l’homme noir doit se réveiller. Nous avons beaucoup de minerai chez nous, mais on ne sait pas comment l’utiliser. Il faut se réveiller ! Chercher ce qu’on va faire. » Le Staff Benda Bilili a trouvé, lui.

Didier Stiers

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