Avec Flying Lotus et Gonjasufi, Warp possède dans son catalogue deux des artistes les plus excitants du moment. L’un comme l’autre figurent à l’affiche du Pukkelpop. Il n’y en a plus des tonnes aujourd’hui des mecs qui font avancer le schmilblick. Progresser la musique. On n’a jamais sorti autant de disques et en même temps on a rarement autant vécu dans la nostalgie et le passé. Heureusement, il reste des albums et des artistes pas clairement identifiés. Fou volant avec sa drôle de machine et drôle de rasta mystique qui parle aux esprits, Flying Lotus et son pote Gonjasufi sont de ces mecs qui empêchent les disques de tourner en rond. Et forcément, ce n’est pas évident…
Tous deux sont californiens, ont sorti une fameuse plaque cette année, sont signés sur le label Warp et joueront au Pukkelpop. Warp ? Pukkel ? Refuges pour créatifs avant-gardistes ? Il y a de ça. Bien barré, Flying Lotus, c’est un peu la nouvelle pointure du hip-hop alternatif et expérimental américain. Si la matriarche de la bass music Mary Anne Hobbs compare Steven Ellison (son vrai nom) à Jimi Hendrix, ce n’est pas que le Californien mette le feu à sa gratte ou joue de la guitare avec les dents (il préfère les platines et les machines). Plutôt qu’il aille de l’avant.
« C’est flatteur. Hendrix a été une influence majeure pour nombre de musiciens qui ont suivi. Mais sans vouloir sonner prétentieux, j’ai entendu pas mal de kids qui essayaient de sonner comme moi ces derniers temps et j’ai trouvé ça plutôt frustrant. Je me suis dit que si ces gamins pouvaient y arriver, je devais déjà aller voir plus loin. »
Il y a beaucoup de choses à aller chercher dans la musique cosmique de FlyLo. Rencontre entre le jazz d’hier, l’électro d’aujourd’hui et le hip-hop de demain. D’autant que sur Cosmogramma, il a vu grand. Davantage de textures, d’instruments, d’idées… Le garçon n’a que 26 ans mais déjà de glorieux antécédents. Il est le petit-neveu de feue Alice Coltrane. « C’était la sœur de ma grand-mère. J’étais relativement proche d’elle mais elle ne baignait plus dans le milieu de la musique au moment où je la côtoyais. Elle vivait dans la spiritualité. »
FlyLo a tout de même gardé contact avec la famille. Ravi, le fils d’Alice et John, joue du saxophone sur Cosmogramma. Un disque décrit par le bonhomme comme du « surrealist hip-hop ». Ça fait baver son pote Gonjasufi. Le Lotus volant a même invité Thom Yorke (Radiohead) à chanter sur son troisième album. « Un plaisir. Il a accepté sans même qu’on parle de pognon. »
En 2008, c’était lui, Gonja, qui envoûtait de sa voix hallucinée Testament. Un extrait de Los Angeles. Aujourd’hui, Sumach Ecks a mieux à faire. Avec son premier effort, A Sufi and a killer, essentiellement produit par le Gaslamp Killer, Mainframe et ni plus ni moins que Flying Lotus, cet ancien pompiste pour avions reconverti en prof de yoga a juste balancé l’un de nos disques préférés de l’année.
Maintenant, il doit le défendre sur scène. Ce qui est tout sauf une mince affaire vu le trip cinglé dans lequel nous emmènent ses divagations. Chants indiens, sonorités moyennes-orientales, ballade folk déglinguée, plan trip hop, délire stoogien… Il y a tout ça et bien plus encore sur les vingt titres (l’un d’entre eux est caché) de cette expérience chamanique. Exorcisme d’une existence volontairement bosselée passée à errer entre San Diego, Los Angeles et Las Vegas.
Au Pukkelpop (ça le changera des déserts), Gonjasufi, fidèle à ses racines d’ancien rappeur, débarquera prêcher tout seul avec un DJ. Le mystérieux barbu fan de surf (« j’ai appris sur l’eau comment me comporter sur terre ») devrait réapparaître tel un messie, en salle, à la rentrée, avec un « full live band » comme on dit là-bas. Alléluia.
Gonjasufi, samedi au Château, de 18 h 40 à 19 h 30.
Album : A Sufi and a killer (Warp).
Flying Lotus, samedi au Château, de 21 h 20 à 22 h 20. Album : Cosmogramma (Warp).
JULIEN BROQUET