Swans song

Swans, le groupe culte issu de la scène No Wave du début des années 80, s’est reformé en début d’année après 12 ans d’absence. Il foulait hier les planches de l’AB Box. Plus qu’un simple concert rock, c’est à une véritable expérience sensorielle à laquelle nous avons assisté.

Fondé à New York en 1982 par le charismatique Michael Gira, Swans a, comme ses contemporains Sonic Youth ou This Heat, toujours eu un penchant pour les expérimentations bruitistes, de celles qui suscitent une nouvelle prise de conscience chez l’auditeur. Dans un style qu’on rapprochera d’un post-punk industriel, les premières sorties de Swans ont laissé des traces chez pas mal de chercheurs sonores comme les Young Gods (qui se sont nommés d’après un EP de Swans), les franges industrielles et post-rock ou encore, chez nous, K-Branding. Séparé en 1997, Swans est revenu cette année avec un nouvel album très recommandable («My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky»), mais c’est surtout en concert que l’ampleur de la musique du groupe prend tout son sens.

C’est un larsen de guitare qui accueille l’audience sur le coup de 20h20. Sur scène, on note parmi le matériel déployé deux batteries, un murs d’amplis Orange vintage du meilleur cru, et un gong chinois. A 20h30, les musiciens débarquent, chacun leur tour, ajoutant à ce larsen des percussions douces, du xylophone, des sons de cloche… Le tout fait un peu penser à de la musique cérémonielle tibétaine qu’on aurait extraite d’un enfer industriel en ruine. Le volume sonore est très élevé (marque de fabrique des performances du groupe depuis leurs débuts) et on commence déjà à se perdre dans ces sonorités à la fois douces et menaçantes.

Arrive alors Michael Gira. Chemise brune, cheveux courts grisonnant et traits tirés, il ressemble à un vétéran du Vietnam qui en a déjà vu plus qu’il ne faut. Il jauge la foule d’un regard inquisiteur, s’imprègne de l’atmosphère et empoigne sa guitare. Ça fait 20 minutes que l’intro perdure. Le groupe crée alors une tension qui ne fera qu’augmenter: riffs industriels, batteries martelée… De plus en plus dur, de plus en plus lourd. Bientôt c’est l’explosion! Et on se perd complètement dans cet amas de bruit blanc et de rythmiques lourdes. Perte des repères. Dérèglement de tous les sens. Un Cri Primal en mode noise-indus.

Sur scène, Michael Gira semble possédé, joue les chefs d’orchestre bruitiste, puis part en transe, hurle hors du micro ou déclame ses priorités dans un silence mi-fasciné, mi-effrayé: «Praise The Lord! Jesus! Come Down NOW!!» Derrière lui, un velu percussioniste-et-homme-à-tout-faire se déchaîne sur son gong chinois, tel un Celte fou. De l’autre côté de la scène, le fidèle guitariste Jarboe, des airs de vieux dealer sorti tout droit de taule, croise ses bras tatoués sur sa guitare et se plante immobile devant le public, le regard froid, avant de faire cracher son instrument de sons stridents.
En deux heures d’un concert d’une intensité folle jamais retombée, Michael Gira et sa troupe nous auront effectivement emmené dans leur tente cérémonielle pour une expérience qui, selon les mots du patron, «soulève l’âme et détruit le corps». Une expérience exigeante, mais dont on est ressorti comme purifié.

Didier Zacharie

Swans, I Crawled, Live Lee\’s Palace, 2/10/10

Journaliste lesoir.be

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9 Comments

  1. garth

    26 novembre 2010 à 12 h 52 min

    …”le fidèle guitariste Jarboe”…Jarboe a été chanteuse du groupe pendant quelques années. Le guitariste est Norman Westberg!

  2. zot

    26 novembre 2010 à 13 h 30 min

    Cher Didier, Jarboe ne joue plus dans les Swans et n’a jamais été guitariste ! Quel intérêt de parler d’un Larsen pendant la moitié de l’article ? Et le reste du concert ? Les morceaux ?

  3. JP

    26 novembre 2010 à 13 h 49 min

    Pour info, ce n’était pas Jarboe qui jouait de la guitare … Elle (et oui, c’est une femme) ne fait pas partie de la reformation !!!

    Quant au “velu percussioniste-et-homme-à-tout-faire (qui) se déchaîne sur son gong chinois, tel un Celte fou”, il s’agit de Thor Harris. On le retrouve également dans Shearwater.

  4. Garth

    26 novembre 2010 à 14 h 51 min

    le guitariste est Norman Westberg…

  5. Lamas

    26 novembre 2010 à 15 h 23 min

    Joli billet. Me fait s’il en est besoin encore plus regretter de ne pas avoir assisté au concert… Tellement à expérimenter et si peu de temps…

  6. DZ

    26 novembre 2010 à 16 h 14 min

    oups… Je voulais effectivement parler du guitariste Norman Westberg…

  7. Didier Zacharie

    26 novembre 2010 à 16 h 17 min

    oups… Je voulais effectivement parler du guitariste Norman Westberg…

  8. eaulivier

    27 novembre 2010 à 13 h 29 min

    Je dois avoir vu pratiquement une centaine de groupes sur scène cette année, mais eux vont directement dans le top 3. Qu’est-ce que c’était intense…

  9. f.

    25 mai 2013 à 19 h 12 min

    C’était énorme, oui. Mais pas un mot sur la première partie ?!

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