Junip, Beach House et Caribou : des concerts tout partout

Malgré le froid, Bruxelles s’est bougé. Pendant trois jours, la ville s’est maquillée en capitale des musiques alternatives. Mis en place sous l’impulsion de l’agence ToutPartout, la première édition du festival Autumn Falls a mis à l’honneur les chantres du rock indépendant. Samedi soir, rien qu’à l’Ancienne Belgique, pas moins de cinq concerts étaient programmés. Et non des moindres : Junip, Caribou et Beach House ont fait honneur à leur rang.  Ou quand les petits deviennent géants.Depuis vendredi, c’est vraiment la fête au village ! Les tenants de la scène alternative courent partout, de la cave au grenier, du Witloof à l’AB, du Magasin 4 au VK*. Artistes confirmés (comme Lambchop ou Atari Teenage Riot), découvertes (comme Baths, Lower Dens ou Eat Lions) et sensations du moment (Junip, Caribou, Beach House), tous étaient à Bruxelles ce week-end.
Samedi, la soirée à l’AB commence tôt. Il est 17h30 et des gens courent dans la rue. Ils se précipitent, ne veulent rien manquer. Les portes du 110 Boulevard Anspach à peine ouvertes, le rock débraillé de Lower Dens donne le coup d’envoi d’un marathon alternatif qui, plus tard dans la nuit, doit s’achever avec Sleepy Sun.
Il n’est pas encore 19 heures lorsque José Gonzales emmène Junip sur scène. En marge d’une carrière solo exemplaire, le chanteur suédois dégèle, en groupe, les contours de ses premiers amours. Longtemps restée cloîtrée dans l’obscurité, la formation voit aujourd’hui le jour. Junip doit surtout son existence à l’amitié, à la persévérance d’Elias Araya (batterie) et Tobias Winterkom (claviers), les deux amis d’enfance de José Gonzales. Ils ont pris le temps de l’attendre pour, enfin, défendre les couleurs de ‘Fields’, premier album savoureux et lénifiant. Avec Gonzales dans l’équipe, les Suédois possèdent un remède miracle, un antistress sobre et précieux. Car, aujourd’hui, son timbre de voix est sans doute un des plus apaisants du circuit. Sur les planches de l’AB, entre un fond de scène aux couleurs du ciel et trois plantes vertes, l’effet Junip est immédiat. Envoûtant et totalement relaxant.

Le public s’attaque ensuite à un fameux Caribou. Sous les poils de l’animal, quatre Canadiens réinventent le psychédélisme à l’ère du grand recyclage. Le concert livré par Dan Snaith et sa bande est soufflant d’ingéniosité, de méticulosité aussi. Que le beat plane sous les stroboscopes (l’incroyable ‘Sun’) ou que les lignes de basse rebondissent sous une mitraille de cloches tibétaines (‘Bowls’), Caribou se montre dans tous les bons coups. Rassemblé autour d’un synthé, d’une basse, d’une guitare, deux voix et autant de batteries, le groupe joue en rangs serrés, chatouillant le tubesque (‘Jamelia’) avec une aisance déroutante. C’est un des constats véhiculés par la soirée : en 2010, les artistes indépendants maîtrisent parfaitement les idiomes de la pop et du discours mainstream, amenuisant encore les frontières qui séparent la scène alternative du succès de masse. Caribou en est une preuve ultime, vivante et excitante au possible. Sur scène, le groupe jongle joyeusement avec des éléments du R&B, de la dance et du rock pour engendrer une forme musicale hybride, chargée à mort. C’est un fameux trip.

Dans la foulée, tout va se jouer dans l’obscurité. Depuis la fosse, on aperçoit à peine les visages d’Alex Scally et Victoria Legrand, les deux têtes pensantes de Beach House. La face cachée derrière ses cheveux foncés, la chanteuse du groupe de Baltimore a des allures de cousin Machin. On n’y voit rien, mais on entend tout. Grave, sépulcrale, transgenre, la voix de Victoria Legrand s’emploie à exalter les passions. Pour cette dernière date européenne de la tournée, les notes de son piano accueillent couplets douillets et refrains enivrants. ‘Walk In The Park’, ‘Norway’, ‘Used To Be’, ‘Zebra’, ‘Better Times’, ‘10 Mile Stereo’, autant de morceaux qui touchent à l’essence de la pop éthérée pour goûter aux joies d’un véritable triomphe populaire. C’est, sans doute, l’autre enseignement du jour. Désormais, les artistes indépendants remplissent sans mal des salles d’envergure (la soirée de samedi affichait complet depuis des lustres). A l’heure où le public jouit d’un libre accès, rapide et illimité, à toutes les musiques, la sphère alternative semble bénéficier d’un éclairage sans précédent. Avec une telle affiche, aurait-on assisté à tel déploiement public 20 ans auparavant ? On peut franchement se poser la question…
La programmation proposée, samedi soir, avait réellement quelque chose de brillant. En quelque sorte, c’était une soirée ensoleillée. Junip et son fond de scène en forme de soleil couchant, Caribou et son ‘Sun’ épileptique, Beach House et ses refrains crépusculaires : clichés romantiques gorgés d’une lumière nostalgique. Ce week-end, la voix de Victoria Legrand a encore épousé la bande son fantasmée d’un film imaginaire de Sofia Coppola. Et, nous, on l’épouserait bien. Mais, ça, c’est une autre histoire…

Nicolas Alsteen


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