La classe Lambchop

Le concept «Autumn Falls», qui a animé divers lieux du centre de Bruxelles tout au long du week-end, nous a réservé quelques jolis moments de musique. Vendredi soir, nous sommes allés nous évader au Cirque Royal, en compagnie de Pearly Gate Music, Blitzen Trapper et Lambchop.

C’est le sort des feuilles mortes, nettement moins le cas du public déjà présent au Cirque, lorsque Zach Tillman monte sur scène : les arrivés tôt ne se ramassent pas vraiment à la pelle pour découvrir ce grand garçon efflanqué. Pearly Gate Music, c’est lui et, pour l’heure, une batteuse qui ne manque pas de muscles et une bassiste au physique de liane. Entre parenthèses, Zach est le frère de Josh (Tillman aussi, donc), batteur des Fleet Foxes.

Pearly Gate Music alterne les chansons parfois ironiques (« Oh what a time » évoque l’attrait physique exercé sur le chanteur par… Jésus), et des histoires d’amour brinquebalantes, toutes cassées. Mais c’est surtout une voix qui file des frissons, dont le léger vibrato donne du lyrisme à ce folk lo-fi. Et ce dès l’entame du concert, avec « Daddy wrote you letters ». Lo-fi, et quand même trompeur, parce qu’il se charge souvent d’électricité et prend alors une tournure punk/garage (comme sur « Bad nostalgia », envoyé pour conclure ce set de 30 minutes pile).

Citoyen de Portland, amateur des Kinks (et des « Brussels sprouts », jure-t-il), Tillman reprend le « Maggie’s farm » de Dylan qu’il allume d’un final de braise avec sa guitare. Et puis renoue avec un autre genre d’émotion, le temps d’une perle comme « I was a river », plus posée mais intense, de celles qui serrent la gorge. Prometteur, tout ça. Pour info, Pearly Gate Music, l’album, est sorti en mai sur Barsuk dont le site web offre pas mal de jolies choses en téléchargement.

Blitzen Trapper vient de Portland également. Là aussi, les racines sont folk, les réminiscences un peu countrysantes, mais l’expression est bien différente. Quelque part plus « prog », avec cette pléthore de guitares, ces claviers et ces harmonies vocales qui invitent à l’évasion dans les grands espaces. « Black river killer » se fait moins sombre que sur l’album Furr dont elle est extraite. Quant à la plage titulaire de ce disque jouée dans la foulée, elle conforte dans son impression l’auditeur persuadé que la bande à Eric Earley a aussi beaucoup écoute Lynyrd Skynyrd à un moment ou un autre de son existence. Entraînant, certes ça pousse même à taper du pied, mais quelque peu convenu néanmoins.

Pendant que les feuilles mortes continuent à tomber, le Cirque Royal s’est rempli. Après tout, cette première soirée de l’Autumn Falls avait Lambchop pour tête d’affiche… La salle réserve donc à Kurt Wagner & co l’accueil de circonstance. Casquette enfoncée sur la tête, visage dans l’ombre, chemise blanche et jeans : il va rester assis jusqu’aux rappels, enchaînant dans l’ordre les titres de l’album Is a woman pour le plus grand bonheur d’un auditoire attentif.

Tout est délicat, précieux, vaguement jazzy par endroits. Le piano, les accords de guitare, la voix légèrement fêlée qui s’envole, les balais qui glissent sur la caisse claire, chaque note, tout s’écoute jusqu’à la dernière fraction de seconde dans un silence quasi religieux. Casée dans un coin, au fond de la scène, une guitare tresse des loops et des tapis sonores quelque peu plus rugueux. Seule fantaisie dans cette prestation classieuse : l’intervention du pianiste, ironisant sur le concept général de l’album (« Le programme spatial américain »…)

« Merci pour votre patience et votre calme, on va maintenant foutre tout ça en l’air ! » Le groupe est remonté sur scène pour les rappels : avec un Wagner debout et soudain très remuant, ils sont de fait plus uptempo, comme l’immanquable et très personnelle reprise de « This corrosion » des Sisters Of Mercy, laquelle arrive après « The decline of country and western civilization », « The gusher » et « Up with people ». Classieux, qu’on vous dit.

Didier Stiers


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1 commentaire

  1. Matthieu

    29 novembre 2010 à 14 h 33 min

    Euh… La guitare en fond de scène, c’est une BASSE. Les effets et tapis sonores étaient le fait des deux guitaristes / claviéristes côté jardin.

    Cela dit, excellent concert, et bonne critique.

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