Mercredi soir, le Botanique se la jouait « girly girl » en invitant les filles à squatter ses salles. Malgré la défection foudroyante de Janelle Monae suite à des problèmes de voix, les nanas ont quand même animé les débats. Emily Jane White en haut, Marnie Stern en bas : deux filles, deux styles.
La nouvelle est tombée en matinée. Janelle Monae, la nouvelle diva de la soul moderne, plantait sa date bruxelloise. Bing ! Adieu les pas de danse incandescents et les ballons noirs et blancs. Ce soir, pas de concert à l’Orangerie : l’Américaine a un chat dans la gorge. La nôtre, elle, est serrée. Heureusement, on peut compter sur d’autres dulcinées pour nous réconforter… La fabuleuse Emily Jane White habille la Rotonde de son folk soyeux tandis qu’un étage plus bas, dans le Witloof Bar, la rockeuse Marnie Stern alimente les circuits électriques du Bota. Dans le genre opposition de styles, on a rarement fait mieux.
La soirée commence par une descente d’escalier et un atterrissage sous les voûtes du Witloof. Ici, entre les briques rouges, c’est rock’n’roll à pleins tubes. Batterie, basse, guitare : la messe peut commencer. Les baguettes dans le creux des mains, le batteur bastonne. Il affiche une méchante barbouze, un bras tatoué et un autre bien poilu. Le bassiste assume son rang de chevelu. Et puis, il y a la blonde Marnie et sa Fender Mustang. Elle est marrante Marnie Stern. Elle papote, sourit et descend des bières comme personne. Pour ça, le public belge lui va comme un gant. Depuis la fosse, on lui décapsule ses bouteilles. « On ne voit vraiment ça qu’en Belgique », rigole-t-elle avant de repartir de plus belle. Ses doigts rebondissent sur le manche de la guitare comme les pattes d’une araignée épileptique.
Adepte du finger-picking, l’Américaine délivre un curieux message du bout de sa six cordes : croisement heavy de math-rock et d’emocore. C’est impressionnant de technique et d’énergie. Au micro, par contre, la New-Yorkaise se montre parfois hésitante, trébuchant ici et là. Marnie Stern crie mieux qu’elle ne chante. Mais sa musique agit directement sur le système nerveux. Le traitement est radical. Sous tension permanente, les morceaux de son dernier album (‘Marnie Stern’) sont expédiés. On ne s’est toujours pas remis de son ‘Risky Biz’…
Pour calmer nos ardeurs, on se réfugie dans une Rotonde pleine à craquer. Là, sous la boule à facettes, la brune Emily Jane White tresse le siège d’un folk sombre et automnal. Chez elle, la guitare est acoustique et on carbure à l’eau plate. Trois albums en autant d’années, la Californienne se tient désormais sur les hauteurs du folk, dans des contrées déjà explorées par Chan Marshall (Cat Power) et Hope Sandoval (Mazzy Star). Sur scène, elle passe sans ciller de la guitare au piano avec un évident souci de perfection. Dans l’intimité de la salle bruxelloise, l’écoute est quasi religieuse. Angélique, solennel, le timbre d’Emily Jane White épouse une mise en son rehaussée de remarquables orchestrations. Outre le violoncelle de Jane Grady, il y a la guitare du Français Julien Pras, leader du groupe Calc. Le musicien presse ses pédales d’effets, assure les chœurs et répond aux couplets enchantés d’Emily. Le concert souffre de quelques longueurs, mais cela n’entrave en rien notre bonheur. Caressées d’arpèges, les chansons sont belles à pleurer, élégantes et raffinées. Au final, c’est dans le dépouillement qu’on mesure pleinement le talent de l’artiste. Seule face à ses juges, elle perce les cœurs et pénètre dans le pinacle des songwriters. Et au féminin, ça le fait vraiment bien.
Nicolas Alsteen
Emily Jane White – ‘Victorian America’ – Bruxelles, 8 décembre 2010, Botanique
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michel
10 décembre 2010 à 12 h 32 min
Review: Emily Jane White
http://concerts-review.over-blog.com/article-emily-jane-white-faustine-hollander-a-la-rotonde-du-botanique-bruxelles-le-8-decembre-2010-62738790.html