On le dit, on le répète: «A Sufi And A Killer» est une perle. Un ovni à classer parmi les inclassables. Gonjasufi était donc l’homme à voir pour sa première belge en salle, à l’Orangerie du Botanique. Problème, notre homme semble avoir les pires difficultés à confirmer en live, que ce soit au Pukkelpop ou il y a deux jours aux Transmusicales de Rennes où il s’est enfui après six titres seulement. On n’était donc sûr de rien en arrivant au Bota hier soir. Résultat des courses.
Première question: Comment transposer les bidouillages sonores de «A Sufi And A Killer» sur scène. Réponse claire et directe: avec un groupe de rock minimal (guitare, basse, batterie, synthé) et sans concession. Ceux qui voyaient Gonjasufi comme une figure baba-néo-hippie en seront pour leurs frais. C’est brouillon, chaotique, dur, déconstruit… La performance est à mille lieues des mélodies douces et enlevées qu’on trouve sur l’album.
D’autant que notre homme Suman Ecks y va de manière frontale avec le public, le poussant à sortir de sa torpeur dès le deuxième titre, aboyant dans son micro à distorsion des trucs qu’on a (forcément) du mal à suivre («Know w’ta mean?» – ben, pas là, non…). Il semble sur les nerfs, imprévisible et nous donne l’impression d’avoir besoin de se nourrir de l’énergie du public pour monter sur scène. A partir d’un moment, on se dit qu’il est capable de refaire le coup de Rennes et de s’en aller. Mais il continue, sorte d’Iggy Pop rasta mal à l’aise, à se déchaîner, se tortiller, hurler dans ses deux micros sur une bouillie jazz-punk qu’on n’attendait pas ici.
La salle, elle, est déjà divisée entre stupeur et ferveur. Les allers-retours vers le bar se font de plus en plus réguliers, tandis que devant, on commence à se lâcher totalement. Sur scène, on fait tourner les tarpets, roulés avec entrain par un rasta-danseur qui reste sur le côté, offrant son énergie au patron. Les musicos triturent leurs instruments comme ils peuvent. La plupart du temps, ça ne ressemble à rien, où alors à pas grand chose, et puis une mélodie s’élève du brouillard et nous rattrape par le col. On reconnaît les ‘Dust’, ‘She’s Gone’, ‘Sheep’ qui colorent l’album. Puis, retour au bruit blanc. Le chaos qui règne fait un peu penser, dans un autre style, aux premiers concerts de BabyShambles. On en est presque là. Et on commence à aimer ça. Il y a une énergie bizarre qui se promène, un truc puissant qui nous happe et ne nous lâche pas… Quelque chose qui navigue entre le mystique et le terre-à-terre. Comme la vision d’une fleur qui pousserait dans un marécage de béton.
Au premier rappel, les déserteurs sont encore minoritaires, à patienter près de l’entrée. Mélodies douces et déconstruites, furie punk-noise. On continue. Puis le batteur termine seul, explose sa batterie, saute dans la foule, s’en va, revient, détruit encore un peu plus son kit. Les lumières se rallument et un quart de la salle en profite pour s’enfuir. Les musiciens reviennent alors sur scène, commençant une dernière improvisation qui sonne comme telle. Mais les ultras sont heureux, et le chanteur semble satisfait. Et la soirée aura finalement valu la peine.
Résultat des courses: Gonjasufi aura divisé, faisant le grand écart entre bouillie sonore et génie sortant du chaos. Il fait en tout cas partie de ces artistes imprévisibles et intrigants qu’on se plaira à continuer à suivre.
Didier Zacharie
http://www.sufisays.com/
cler
14 décembre 2010 à 11 h 08 min
Oui on peut clairement parler de bouillie. L’énergie était là mais mal placée, mal distillée. Le premier quart d’heure était pénible, puis quelques bons moments (notamment Ageing, Candylane, et un très bon Sheep; c’est déjà ça se diront certains). Mais honnêtement, le type est décevant. Il pond l’un des meilleurs albums de l’année et il vient avec son groupe jouer un truc souvent incompréhensible, qui ne ressemble à rien. Je ne comprends pas. A croire qu’il se sent déjà supérieur pour ne pas défendre convenablement “A Sufi and a Killer”.
Yann
14 décembre 2010 à 13 h 02 min
Et pendant ce temps, Matthew Dear m’offrait mon meilleur concert de l’année dans la Rotonde du Botanique. Un Frank Sinatra hanté, du post-punk enregistré dans la cave d’un club de jazz underground pendant que les musiciens répètent, de l’énergie, de la classe, du charisme… Vu les retours de ceux qui étaient dans l’Orangerie, j’ai bien fait de choisir l’outsider pour cette soirée.
Marien
14 décembre 2010 à 13 h 21 min
Personnellement, j’ai fait comme lui à Rennes : 6 morceaux et puis basta …
C’était même pas mauvais, juste un peu “cheap”, ducon le shit et ses mêmes pas potes, une copie sale et baclée. Bref, ça sent juste la sueur et pas l’exploit, la conserve “produit blanc” avariée, le chewing gum sous la semelle.
Julien
14 décembre 2010 à 14 h 59 min
Personnellement j’adore l’album. Mais ce qui m’a sidéré hier, c’est le niveau (très bas) du groupe. Lui (Gonjasufi), encore, il a fait son boulot. Ce n’était pas très différent de ce qu’on peut entendre sur l’album. Le gars a de l’énergie, il est dingue et malsain, mais c’est ça qui fait le charme du truc. Là où ça a coincé, c’est qu’il aurait dû être soutenu par un groupe qui jouait. Or, on avait l’impression qu’ils s’étaient vus trois ou quatre fois en fumant des spliffs et puis qu’ils ont improvisé pendant une heure…
Résultat : les arrangements de l’album sont tombés à l’eau, ce qui aurait pu être intéressant si l’option punk avait été solide, ce qui n’étais pas le cas je trouve. A mon avis, le “noyau dur” était un peu trop influencé par l’étiquette “hype” du produit (Warp) que pour avoir un certain sens critique… Dommage…
destrucs
15 décembre 2010 à 8 h 20 min
“Gonjasufi ca suffit”…oh puree le sale jeu de mot. Je l’aurais pas ose celui-la, surtout en public!
Patrick Bateman
15 décembre 2010 à 13 h 48 min
Connaissais pas l’album, mais entendu deux trois trucs très valables. Ce que j’ai vu ce soir là je l’avais déjà vu joué à la MJ Ciney par des groupes de débutants qui viennent de découvrir le schpinne et la picole. Rah mauvais.
a sufi but where is the killer ?
15 décembre 2010 à 18 h 47 min
le groupe est clairement prêt pour la tournée des kermesses au boudin, maisons de jeunes et autres festivals du sud du pays.
Le bassiste ne savait même pas jouer la ligne de basse de candylane…