Don Van Vliet, alias Captain Beefheart, est décédé hier à l’âge de 69 ans. L’homme, dont la musique et la démarche artistique ont eu une influence majeure sur nombre d’artistes déviants (parmi lesquels Tom Waits et dEUS) vivait reclus en Californie du Nord, s’adonnant à la peinture depuis le début des années 80.
Don Van Vliet est né à Glendale, en Californie, le 15 janvier 1941. Il commence par peindre et sculpter avant de se tourner vers la musique en 1964 sous le nom de Captain Beefheart, et en rejoignant le Magic Band un an plus tard. Ami d’enfance de Frank Zappa, il a toujours eu une relation fraternelle d’amour-haine et de concurrence artistique avec ce dernier.
Le premier album de Captain Beefheart & His Magic Band, «Safe As Milk», a fait figure d’ovni à sa sortie en 1967, redessinant le blues du Delta sous une lumière surréaliste. Le groupe sera directement suivi par une poignée d’acharnés qui voient dans le Captain un visionnaire dont la voix puissante et grave les guide vers la lumière. Mais les ventes ne suivent pas et après un deuxième album sur un autre label («Stricly Personal», 1968), Captain Beefheart se retrouve sans contrat. C’est alors que son vieux copain Zappa le prend sous son aile en le signant sur son label Straight Records.
Profitant d’une liberté artistique totale, Beefheart va concocter son album le plus radical, le double «Trout Mask Replica», en 1969. Déconstruisant le blues jusqu’à l’os, le jouant à la manière free jazz, et y ajoutant des paroles incompréhensibles prêchées de sa voix menaçante le long de 28 titres qui ne durent le plus souvent pas plus de deux minutes, «Trout Mask Replica» est un véritable voyage anti-psychédélique, rempli de ruptures de rythmes qui explosent la tête. Le disque, rapidement devenu culte, est aujourd’hui encore une pierre sacrée de l’histoire du rock de laquelle se nourriront le post-punk, l’avant-garde, jusqu’au rock alternatif des années 90. Tom Waits, PiL, The Fall, Sonic Youth, PJ Harvey, Tricky et dEUS, pour n’en citer que quelques uns, ne nieront jamais l’influence énorme que «Trout Mask Replica» et Captain Beefheart ont eu sur eux.
Prêchant toujours dans le désert, Captain Beefheart ne continuera pas moins de sortir des albums impeccables. Les rapports avec Zappa deviendront tendus, les deux se retrouvant par obligation de contrat mais entretenant une relation de rivalité. En 1972, Captain Beefheart sort les albums «The Spotlight Kid» et «Clear Spot», qui, tout en s’abreuvant toujours d’un blues expérimental, sont plus faciles d’accès que ses prédécesseurs. Le Magic Band originel n’est bientôt plus et Beefheart devra faire avec d’autres musiciens (parmi lesquels on retrouvera Eric Drew Feldman qui produira par la suite PJ Harvey et dEUS et Gary Lucas qui collaborera avec Jeff Buckley). Au fil des années, le son du nouveau Magic Band se fera de plus en plus conventionnel. Captain Beefheart sortira son dernier album en 1982, «Ice Cream For Crow», avant de se retirer de la vie publique. Il continuera à peindre jusqu’à sa mort mais ne fera plus jamais de musique. Dans les années 90, on apprend qu’il souffre de sclérose en plaque. Il est mort des suites de la maladie ce vendredi 17 décembre.
Salut à toi, Captain!
Didier Zacharie
Captain Beefheart, Sure \'nuff \'n Yes I do
eaulivier
18 décembre 2010 à 12 h 10 min
Me réécoute Trout Mask Replica… R.I.P.
Raikem
18 décembre 2010 à 12 h 51 min
Encore un Grand qui s’en va… Sans avoir travaillé jusqu’à 70 ans…
Pierre
18 décembre 2010 à 13 h 52 min
Je vais aussi réécouter “Trout Mask Replica”. J’avais 15 ans lorsque je l’ai découvert. Une gifle venue d’on ne sait où. Depuis, j’y découvre de nouvelles choses à chaque écoute. Un grand artiste est parti, j’avais toujours rêvé de le voir sur scène.
Moi
18 décembre 2010 à 17 h 35 min
Aie encore un génial illuminé de moins….. reposes en paix mec !!!
onippep
18 décembre 2010 à 19 h 06 min
Ils restent indémodables, l’air de rien, ses morceaux, à l’apparence si iconoclastes, incongrus, et flirtant bon parfois avec “l’ameuteurisme” le plus outrancier!
Comme ce n’est pas de la musique de supérette, je conseille à tout un chacun de s’y glisser sans parti pris; et d’ouvrir ses écoutilles au moins 5 fois l’album, avant de commencer à y saisir tout l’infini des “subtilités”de cette musique…
club
18 décembre 2010 à 20 h 59 min
Mon premier concert d’ado. J’avais accompagné un “grand”. C’était assez inécoutable pour moi c’est plus tard que j’ai apprécié. On écoutait ca et grand funk railroad…
noel-san
19 décembre 2010 à 1 h 15 min
Triste, triste, triste nouvelle.
Hier encore, je visionnais sa prestation sur la plage de Cannes devant des passants médusés. C’est l’un des premiers à avoir amené cette radicalité au rock sans toutefois l’enfermer dans des carcans car il était ouvert à toutes les influences. Son héritage est énorme.
J’espère que, là-haut, il retrouvera John Peel, l’un de ses plus grands fans.
Arsène
22 décembre 2010 à 13 h 35 min
M. Zacharie, l’album de 1982 s’appelle “Ice Cream For Crow” avec un ‘r’.
En outre, il est peut-être utile d’ajouter qu’humainement, Beefheart était une merde, surtout dans les seventies. Lecture conseillée: le livre de John French, son batteur de l’époque. Aterrant.
Beefheart a fait le vide autour de lui parce qu’il n’avait aucune considération pour qui que ce soit (à part lui-même).
Ceci n’enlève, bien sûr, rien à la qualité de ses textes ou de sa musique.