Le songwriter américain Sam Beam, alias Iron & Wine, se produisait hier à l’Ancienne Belgique pour y présenter son nouvel album «Kiss Each Other Clean». Folk, pop, blues est-africain et vampires pré-pubères étaient au menu de la soirée.
Dans la famille folk americana, qui pour succéder au trône? Trois noms viennent à l’esprit: Will Oldham, premier dans l’ordre de succession, Conor Oberst et son Bright Eyes sans doute, et puis notre homme du soir, Sam Beam, alias Iron & Wine.
Près de dix ans que le natif de Caroline du sud promène sa barbe broussailleuse sur scène et sur disque. Avec son précédent, «The Shepherd’s Dog» sorti en 2007, aux teintes éthiopiennes, Beam était entré dans la cour des grands, retrouvant la route qui mène du vieux Sud à l’Afrique de l’est. Une perle qui renouvelait le genre. Toujours en mouvement, Iron & Wine sortait il y a quelques semaines «Kiss Each Other Clean», un disque plus orchestré et chaloupé, orienté pop seventies. C’est pour présenter son dernier-né que Sam Beam foulait hier les planches de l’AB.
Déjà, Iron & Wine a son public, conquis par «The Shepherd’s Dog», et principalement au nord du pays où le titre ‘Boy With A Coin’ passait en boucle sur les ondes. C’est donc dans une salle quasiment remplie que Sam Beam, accompagné de six musiciens (guitare, basse, batterie, claviers, trompette, choeur) fait son entrée. Le son est plus sec que sur le dernier disque. Le groupe, d’ailleurs, variera dans les sonorités, piochant dans tout son répertoire. On passe ainsi d’un folk-rock assez traditionnel à des titres africanisant plus enlevés, en faisant un tour par de longs blues atmosphériques qui se terminent dans des explosions presque free jazz. L’oeuvre est variée. Et appréciée.
Notre homme Beam, cheveux peignés et barbe broussailleuse dans une veste en velours un peu cheap est parfait. Affable et sympathique au premier abord, comme seuls les Américains peuvent l’être avec cette façon de vous interpeller sans prise de tête comme si nous étions des amis de toujours («Thanks, dad!»). Le bonhomme s’enquiert du public, qui est réceptif, et tous les trois-quatre titres c’est une petite conversation qui s’installe là où la bonne humeur règne.
On l’aime bien, le Sam, mais il abuse tout de même un peu sur la longueur. Une heure et demie sans pause d’un folk-rock au mieux mid-tempo, on finit par le sentir dans les mollets. Du coup, tristement, la dernière demi-heure nous paraîtra un peu pénible. Le chanteur revient finalement seul pour un rappel unique, une version de ‘Flightless Bird, American Mouth’ (titre qu’on retrouve sur la BO de… «Twilight»! Comme quoi, les vampires pré-pubères mènent à tout…) a capella, splendide. Et le concert de se terminer magistralement sur ces quelques faibles accords dans un silence majestueux. Iron & Wine, en bonne position pour la couronne!
Didier Zacharie
Iron & Wine, Boy With A Coin, 2007
La célèbre barbe rousse de Sam Beam posait, hier soir, sa guitare sur les planches de l’Ancienne Belgique. Sous le couvert d’Iron & Wine, l’ancien prof de cinéma a projeté sa vision du spectre musical yankee. Si son dernier album (‘Kiss Each Other Clean’) s’éloigne des herbes folk, le virage amorcé est orchestré, et magistral.
Premiers pas et première surprise dans la pénombre de l’AB. Le concert d’Iron & Wine, initialement annoncé en configuration assise, se joue dans la grande salle, comble et dressée comme un seul homme. L’époque où Sam Beam grattait ses chansons au coin du feu prend ses distances.
Aujourd’hui, entouré de sept musiciens, l’homme à la barbe s’ouvre aux grands espaces. En fait, ce constat prend racines en 2007 avec la sortie de ‘The Shepherd’s Dog’. Cet album a incontestablement repositionné Iron & Wine au-delà des frontières du folk, sur l’immensité du territoire américain. L’attirail déployé sur scène en témoigne. Flûte traversière, banjo, guitares, basse, mandoline, tuba, batterie, synthé, congas et saxophone déboulent sur les compositions feutrées de mister Beam.
Si le coup d’envoi n’est pas à la hauteur – la faute à une encombrante choriste –, le concert prend rapidement de l’envergure en piochant de grandes louches musicales dans la marmite de l’Oncle Sam. Le répertoire joué ce soir passe l’histoire en revue. Blues, folk, pop, country, jazz et racines africaines percutent les morceaux. Sur scène, l’artiste ne se contente pas de décalquer ses albums. Il prend des risques, revisite son répertoire, bouleverse son univers. C’est plus piquant, même si ça reste poignant. Sa relecture de ‘House By The Sea’, par exemple, est presque méconnaissable…
Mais le concert reste surtout l’occasion de présenter le récent ‘Kiss Each Other Clean’. Les chansons‘Me And Lazarus’, ‘Big Burned Hand’ ou ‘Glad Man Singing’, notamment, sont au menu de la soirée. En 2011, Iron & Wine est moins à rapprocher de Nick Drake ou Elliott Smith. Comme un air de ‘Déjà Vu’, la prestation de l’AB s’accorde davantage à la pop enrubannée et aventureuse des seventies. On songe forcément à Crosby, Stills, Nash & Young, mais aussi à Elton John, période ‘Tumbleweed Connection’. Méticuleuse, l’orchestration doit beaucoup aux vieux briscards de studio qui accompagne notre homme sur la route : une bande de barbus, chevelus et autres moustachus qui, mieux que personne, savent faire sonner un morceau. Si le procédé lasse parfois par excès de classicisme, il imprègne chacun des morceaux d’une atmosphère singulière. Dans la fosse, l’ambiance est monastique. Le public semble hypnotisé par le grain de voix velouté du chanteur. Parfois, pourtant, quand la grâce cède la place au groove, des mains se lèvent et des cris se dressent. Aussi loquace que les Girls in Hawaïï en tournée, Sam Beam abandonne une première fois la lumière sous une pluie d’applaudissements.
Au final, le concert s’achève sur un rappel, ‘Flightless Bird’, roucoulé a capella face à une assemblée silencieuse. La classe olympique.
Nicolas Alsteen