Les Sisters Of Mercy, légendes du rock gothique, fêtaient hier soir leurs trente ans à l’Ancienne Belgique. Retour sur la première de deux soirées en noir. Les princes goths répondent-ils toujours aux souffrances de leurs disciples?
Ah, avoir quinze ans! Se délecter des accords sombres des premiers Cure, Bauhaus ou Sisters of Mercy en lisant «Les souffrances du jeune Werther». S’évader dans un imaginaire d’un autre siècle, d’une autre réalité où on n’était plus seul dans son mal être. C’était ça le rock gothique!
Cette année, les Sisters of Mercy fêtent leurs trente ans. Double passage à l’Ancienne Belgique pour l’occasion, forcément à guichet fermé. Dans la salle, on patiente devant deux écrans qui jouent des scènes de films sci-fi de série Z. Autour de nous, des quadragénaires nostalgiques aux allures de banquiers se mélangent aux corbeaux humains dans leur plus bel uniforme. Les t-shirts à l’effigie du groupe sont visibles partout. Car les Sisters font (ou ont fait) partie intégrante de la vie de leurs fans. Ils représentent. Et ce simple fait vaut toutes les reconnaissances.
On en est là dans nos pensées quand une salve de fumigène vient noyer la salle et le (pourtant fort esthétique) décor de scène – des barres de fer en forme mikado et quelques mini-tours industrielles. La première partie du concert est pas loin d’être catastrophique. Les fumigènes cachent toute la scène (déjà, des fumigènes! Bientôt une soirée mousse?); le son est dégueulasse, une bouillie indus-goth pas aidée par des grateux pas loin d’être irrécupérables; et puis Andrew Eldritch, lider maximus, crâne chauve, cuir et lunettes noirs et air concerné. Andrew qui se déplace partout, SAUF sur le devant de la scène. Andrew dont on entrave rien de ce qu’il aboie, sa voix étant soit trop basse, soit trop haute, dans les deux cas perdue dans une overdose d’écho. La voix d’outre-tombe se perd dans le vide… Et le tout sonne comme du mauvais Marilyn Manson.
Et puis, ça s’améliore. Déjà, depuis le balcon, le son est bien meilleur. Surtout, on finit par se laisser aller, on se replonge dans ces hymnes en noir, on partage l’émotion de nos concitoyens… On retrouve presque nos sensations d’adolescents. Dominion fait (enfin) soulever les foules, Alice enfonce le clou. Ça chante dans la fosse comme sur le balcon. Suzanne, Temple Of Love, First And Last And Always… Les Sisters sont les U2 goths, pour le meilleur et pour le pire… C’est musicalement assez pauvre, mais les refrains sont scandés par une multitude et hurlent à la pleine lune.
Sisters Of Mercy, cuvée 2011. Souvent maladroit dans ses tentatives de moderniser son son, mais jouissif du fait de son statut de groupe culte, symbole d’une sous-culture qui a marqué son époque (et continue de grossir ses rangs). Ce soir encore, les Sisters ont adouci nos peines.
Didier Zacharie