Le post-punk hybride des Canadiens de Suuns débarque ce jeudi sous la boule à facettes du Botanique. Le quatuor de Montréal déboule dans la capitale avec, sous le bras, ‘Zeroes QC’, premier album organique animé d’une fulgurante vigueur électronique. Voilà un des groupes les plus excitants du moment. Présentations et compte-rendu.Avant de promener ses guitares sous le couvert de Suuns, le groupe a sillonné pendant trois ans les routes du Québec sous le nom de Zeroes. C’est peut-être un détail pour vous, mais visiblement, pour eux, ça veut dire beaucoup. Le titre de l’album, ‘Zeroes QC’, rend ainsi hommage aux balbutiements du projet et à la province qui l’a engendré.
Sur disque, Suuns s’immerge dans la culture rock pour transcender dix morceaux et les colporter à la lisière des genres. « Nos chansons sont assez différentes », souligne le batteur Liam O’Neill. « Notre son est vraiment le bastion de nos influences. Sur la longueur d’un album, enregistrer des chansons qui n’ont aucun lien entre elles, c’est absurde. Donc, dire que ‘Zeroes QC’ part dans tous les sens, c’est faux. Par contre, dire qu’il est diversifié, c’est se rapprocher de la vérité. » Et force est de reconnaître l’efficacité de l’éclectisme défendu par les Canadiens. D’une mélodie éthérée achevée dans un chaos cuivré (‘Gaze’), d’un tube titanesque empruntant les voies impénétrables de la techno minimale (‘Pie IX’) en passant par des clappements de mains jubilatoires (‘PVC’), Suuns tire dans toutes les directions. Mais il le fait avec la précision de l’archer, visant toujours le centre, point de départ de toutes les circonvolutions. « C’est intéressant de trouver un équilibre entre bruits et mélodies, d’offrir un mets facile à digérer et, dans la foulée, de servir une tournée de tord-boyaux. Ce rapport convient bien à notre musique. On n’est pas un groupe de pop. On n’est pas non plus un groupe expérimental. Ce qu’on propose aux gens est super abordable, mais jamais facile. »
En parlant de facilités, on constate que la tournée européenne de Suuns n’est pas sans contrainte. « Quand on explique qu’on joue dans un groupe signé sur un label international, les gens s’imaginent qu’on vit comme des princes. Qu’on mange dans des restaurants chics et qu’on ramasse un max de thunes. On nous sort régulièrement cette phrase : « C’est génial, vous gagnez de l’argent en jouant de la musique ! » En réalité, c’est tellement génial qu’on a conservé nos emplois… (Sourire) Dans sa vision professionnelle, Suuns est quelque chose de récent. Là, par exemple, on va prendre deux mois de congés sans solde pour entamer notre première tournée. Ça nous fait un peu flipper… »
Pourtant, pas de quoi paniquer. Tout devrait bien se passer. Les chansons de Suuns empruntent des routes électrisantes, à la jonction de Can, Clinic et Suicide. Elles synthétisent régulièrement les références musicales pour les emmener ailleurs. « On aime bien cette idée de transversalité, d’objet insolite, un peu difficile à classer. Avec ‘Arena’, par exemple, on retrouve une dimension électronique. En fin de parcours, il y a ‘Organ Blues’, une reprise de T. Rex. On se situe toujours à l’entre-deux. On s’y sent à l’aise. » Nous aussi, ça tombe bien.
Nicolas Alsteen
Jeudi soir, au Bota…
Sur scène, Suuns, c’est un univers musical qui se construit quelque part entre Clinic et Mogwai. Où les réminiscences post- et krautrock ne sont jamais hermétiques, où les réverbérations des guitares se posent sur des basslines très techno… Par instants, ces dernières font même plus dancefloor que tapis sonore ; un coup d’œil autour de soi dans la Rotonde, et on voit plus d’une tête pour marquer le rythme sur « Arena ». Ce ne sont pas les compositions les moins intéressantes mais n’empêche, on sent parfois poindre comme un petit gimmick et, risque corollaire, une certaine similitude de structure, alors que ce sont les passages quasi sans claviers (tel ce tout frêle « Fear » ou les envolées quasi jazz) qui rappellent le plus la diversité caractéristique de l’album.
Détail cela dit. Parce qu’il y a aussi dans ces morceaux implacables, lancés sur de longues intros hypnotiques ou de courtes explosions hardcore (« Marauder »), quelque chose de curieusement primitif. Dans la batterie qui va crescendo sur « Disappearance of a skyscraper », par exemple. D’accord, quand le drone se fait plus présent, on comprend moins ce que raconte Ben Shemie ; les intonations de sa voix ajoutent alors une couche sonore de plus à l’expérience psychédélique. J’évoquais les passages quasi sans claviers, mais quand ils regagnent de leur puissance (sur le terrible « Pie IX ») ou jouent aux sirènes d’alerte (« Sweet nothing »), c’est à un monstrueux orgasme sonore que le public est convié.
Les Montréalais auront tenu presque 90 minutes sur scène jeudi soir ; on les reverra volontiers le 22 mai au même endroit lors des Nuits Botanique, en compagnie cette fois de Crookes et de Mirrors.
Didier Stiers
Suuns – ‘Pie IX’
http://www.youtube.com/watch?v=0-w_ex0eF1s
Suuns – ‘Up Past The Nursery’
Mmarsupilami
24 février 2011 à 2 h 32 min
Les concerts français ont parait-il été extraordinaires. Si ça intéresse quelqu’un : Mes articles sur le groupe…
Mmarsupilami
26 février 2011 à 0 h 17 min
J’ai posté des photos du concert sur mon blog…