De la pop symphonique au délire cosmique
Drôle de trip futuriste et cosmique plein de claviers d’assez mauvais goût, son dernier album, The Age of Adz, a ébranlé le piédestal sur lequel on avait scellé ce petit génie de la musique américaine. Ardent défenseur d’une pop sophistiquée et ambitieuse. Mais les artistes les plus fantasques et imprévisibles sont souvent, aussi, les plus passionnants et personne n’osera prétendre qu’il lit en Sufjan Stevens comme dans un livre ouvert.
On aurait préféré que le trentenaire du Michigan s’attaque au troisième volet de sa série consacrée aux cinquante états américains (un état = un album)… Qu’il ressorte sa guitare acoustique, son banjo, son piano et ses grandes envolées de pop symphonique. D’autant que ce disque, on l’attendait depuis pratiquement cinq ans et la sortie du formidable Illinois. Alors quoi ? À l’image d’un Brian Wilson, Sufjan est-il devenu frappadingue ? Un peu sans doute. Ebranlé par une crise artistique et existentielle, rongé par une espèce de virus, un étrange désordre du système nerveux qui l’a empêché pendant plusieurs mois de travailler, de se concentrer et même tout simplement de dormir, il a abandonné le concept, le lustre, la poésie pour quelque chose de plus intime et instinctif. Profondément marqué par Royal Robertson, peintre primitif obsessif qui souffrait de schizophrénie et livrait un travail brut, juvénile, il s’est rapproché de son moi physique.
Stevens, n’en reste pas moins un redoutable songwriter, un musicien doué et touche-à-tout. Ainsi qu’un arrangeur hors pair. Fluo ou pas, il tâchera ce soir d’enchanter le Cirque royal avec ce qui reste l’un des concerts (complet) les plus attendus des Nuits.
JULIEN BROQUET
Sufjan Stevens était à l’Olympia hier, ce qu’en a pensé le public français