Laurent, prince du dancefloor

« J’adorerais, mais je ne peux pas. Vraiment pas ! » Nous sommes dans la nuit de samedi à dimanche, il est une heure : Laurent Garnier s’excuse de devoir mettre un terme à sa Live Booth Session belge. Le plus emblématique des dj’s de l’Hexagone, accompagné pour l’occasion par Scan X aux machines et Benjamin Rippert aux claviers, vient de mettre le feu au chapiteau du Botanique… Pendant près de 300 intenses minutes !

Les « Live Booth Sessions », c’est un concept avec lequel Laurent Garnier tourne ces derniers mois (en décembre, il était déjà passé par le Fuse), histoire de ne pas faire constamment la même chose au risque de s’ennuyer ou de stagner. L’idée ? Mélanger le live, le deejaying, les impros et les remixes en direct, tester voire même élaborer de nouveaux titres, apporter plus de variation dans les tempos, le tout étant bien sûr destiné aux oreilles pas frileuses aimant la techno. Ce qui permet dès lors au trio de mieux interagir encore avec le public. Quant à ce dernier, eh bien, il n’a jamais droit à deux prestations identiques !

A 45 ans, toujours précédé par sa réputation, il reste une valeur sûre du dancefloor. En festival aussi. Du coup, sa prestation aux Nuits était non seulement sold out, mais elle a en outre attiré un public pour le moins mélangé : jeunes gens avec la casquette à l’envers, demoiselles bcbg, couples de quinquas, habitués des boîtes, fêtards alcoolisés, il y a vraiment de tout ce samedi soir. Vingt heures et des poussières : le chapiteau est non seulement quasi rempli, mais en plus, ça joue déjà très musclé, avec ces boucles et ces beats qui vous enveloppent couche par couche pour ne plus vous lâcher.

Professionnalisme oblige, deux heures plus tard, un petit détour par l’Orangerie où chante An Pierlé s’impose. Cela faisait un moment qu’on ne l’avait plus vue, mais c’est comme si rien n’avait changé. Dans le personnage en tout cas. Parce que côté répertoire et scène, An est aujourd’hui patronne d’un cabaret rock où l’on cultive aussi l’humour et l’émotion.

« Helium Sunset », par exemple, a pris des accents plus électriques. Mais tout comme David Thomas vendredi, elle aime raconter des histoires. En s’asseyant au piano (sur son ballon, toujours bien là lui aussi), c’est d’abord pour constater que « ça commence à chauffer », avouer qu’elle a mangé des cannellonis et s’excuser auprès de ceux qui aiment la continuité et la fluidité dans les concerts. Elle leur dédie d’ailleurs « Sorry ». Quant à Paul-Henri Wauters, qu’elle remercie pour ces deux soirs (elle est au Grand Salon en acoustique ce dimanche), il a droit à une réflexion sur son parfum…

Pour chauffer, ça chauffe souvent, avec ce White Velvet et ces chansons qui partent comme des balades mais vont crescendo quand le piano s’accélère ou la guitare se fait plus insistante. Sur « Little by little », par exemple, c’est exactement ça. Et bien sûr, sur son immanquable reprise de Dutronc (« Il est cinq heures, Paris s’éveille »), expressionniste à souhait, confit d’un petit clin d’œil à Donna Summer (« I feel love »). A l’heure des rappels, on réécoute une version dépouillée piano/voix de « Mud stories » dans un silence quasi complet. Et on rigole une dernière fois quand elle fait sa propre pub : « Qu’est-ce que vous pensez de l’industrie du disque mourante ? Est-ce que ça vous inquiète ? Vous ne vous réveillez jamais la nuit, en pensant à ces chanteuses qui deviennent de plus en plus maigres ? Achetez leur disque, elles se sentiront mieux. Et vous aussi ! » La touche finale d’un set incontestablement plein de maturité…

Un peu avant minuit, retour du côté de chez Garnier où les basses pulsent plus que jamais. Le Français a depuis longtemps été rejoint par ses deux camarades : le trio enchaîne avec doigté les breaks qui font crier et les redémarrages qui transforment à chaque fois le plancher en trampoline. Ou presque. Impossible en tout cas de ne pas bouger, notamment sur ces sons qui rappellent « The man with the red face », « Flashback » et autre « Crispy bacon ». « J’ai toujours pensé que vous étiez dingues, en Belgique », constate-t-il, salué par la clameur de circonstance. Et d’embrayer avec un passage un peu plus ebm. Dingues, les Belges ? Il aura encore l’occasion de le vérifier le 14 juillet au festival de Dour. Où la fête s’annonce double !

Didier Stiers

Laurent Garnier L.B.S. feat. Scan X & Benjamin Rippert – Nuits Sonores 2010
Laurent Garnier L.B.S. feat. Scan X & Benjamin Rippert – 4Sens (Bordeaux)


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