Aux Nuits Botanique, Kurt Vile a fait office de bonne surprise, ce mardi soir. A 30 ans et des poussières, il compte parmi ces artistes débarquant dans nos contrées précédés par un buzz insistant. Les comparaisons -qui ne valent pas raison, on le sait bien-, sont néanmoins flatteuses…
Eh oui, on cite rien moins que Leonard Cohen, Animal Collective, Sonic Youth ou Psychic TV, mais on pourrait encore en ajouter d’autres. Le jeune homme, auteur-compositeur et guitariste, originaire de Philadelphie, a par ailleurs attiré l’attention de gens très recommandables comme Thurston Moore (des mêmes Sonic Youth), qu’il accompagne cet été en tournée aux Etats-Unis.
Épaulé par son groupe, The Violators, il porte pour l’heure la bonne parole d’un disque, Smoke ring for my halo, qui n’a pas laissé indifférents ceux qui ont eu la bonne idée d’y jeter une oreille. Le prolongement scénique vaut lui aussi le détour et pas qu’un peu. Avec les trois musiciens (chevelus comme lui) qui l’accompagnent, il offre un répertoire où les ballades un peu folk se teintent de psychédélisme, où le rock lorgne vers le shoegaze, avec ces murs de guitares et cette batterie dominée par la grosse caisse et les toms (frappés plus souvent à l’aide de maillets que de baguettes). De temps en temps, on croit même voir planer au-dessus de tout ça le fantôme de Jesus And Mary Chain. Au premier rang, dans la Rotonde, un couple est en tout cas complètement dedans : madame fait tournoyer sa longue chevelure et monsieur danse les bras au ciel. On imagine que ce mercredi soir, ils auront remis ça à Gand où se produit tout ce petit monde.
Avec son accent traînant, et des chansons comme « He’s alright », Kurt Vile le troubadour prolifique fait aussi parfois penser à ces ressusciteurs de sixties qu’on entend ici et là. « In my time », avec ce tambourin, cette guitare acoustique et ce petit écho sur la voix expédie l’auditeur au fond d’un bar, en bout de nuit. La griffe du bonhomme, qui a le bon goût de ne pas se satisfaire des recettes néo-folk du jour ? Comme avec « Peeping Tom », ou ce « Jesus fever » presque pop : faire naître tout seul de jolies chansons d’un terreau lo-fi, bordélique à souhait. Chez d’autres, le temps passé à réaccorder les grattes entre les morceaux casserait l’atmosphère, mais chez lui, c’est comme s’il contribuait à la créer. Et puis, autre touche perso : il sait, avec son groupe cette fois, emballer tout ce public dans de grands moments de rock pas trop propre et déglingué, tel cet extraordinaire « Freak train » joué en fin de set, pour le plus grand bonheur des (déjà) connaisseurs. Il n’y aura pas de rappel. Et ça, ce sera le seul point faible de la soirée !
Entre parenthèses, la soirée de mardi dégage d’emblée des parfums éminemment psychédéliques. A la Rotonde, on aura ainsi droit à une première tranche de musique sous influence avec Spindrift. « California’s psychedelic spaghetti western pioneers », dixit la bio de ces Américains actifs depuis grosso modo le début des années 90. De fait : bienvenue dans un Far West hanté, un peu psyché et un peu stoner. A la batterie, les futs résonnent comme des tambours de guerre. Le temps de s’en faire la réflexion, et le chanteur, Kirpatrick Thomas de son petit nom, s’envole dans une sorte de mélopée sauvage, pendant qu’au-dessus du double manche de sa douze cordes, son comparse Henry Evans souligne la scansion en brandissant le poing. Au Grand Salon, d’ordinaire dévolu à des sonorités plus introspectives, même topo avec Akron Family. Là, c’est même carrément un voyage cosmique qui attend le festivalier. Dix minutes pour se dépatouiller dans son câblage, demander au public de se lever (« Vous aurez bien le temps de vous allonger pendant la partie drone du concert »), ensuite achever une séquence bruitiste tantôt impro délirante tantôt grand n’importe quoi, et voilà que le trio fait renaître ces compositions où les harmonies vocales font décidément merveille, d’abord pastorales puis se durcissant progressivement.
Après le trip, le flip… Agnes Obel réserve une mauvaise surprise aux retardataires, même ceux munis d’un mot d’excuse : cinq minutes après le début de son concert, l’Orangerie est interdite d’accès. Parce qu’il y a trop de monde, nous dit-on, et parce que l’Artiste n’aime pas qu’on circule pendant qu’elle chante. Si c’est vraiment vrai, elle va se marrer, aux Ardentes, le 10 juillet… Quoi qu’il en soit, c’est pas grave, et pas question de rester bêtement planté sur la « Riverside » : il y a justement Kurt Vile qui vient de monter sur la scène de la Rotonde. Et c’était décidément une bonne idée que de ne pas passer à côté !
Didier Stiers
michel
19 mai 2011 à 16 h 13 min
Sur concerts -review
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