Imaginez un fauve fou furieux à qui on aurait laissé la clé de sa cage. Ou le plus dangereux mais également le plus rigolo des patients de Vol au-dessus d’un nid de coucou qui vient de trouver le moyen de filer à l’anglaise. Eh bien, c’est à la fois l’un et l’autre qu’on a vu débouler sur la grande scène de Werchter, ce dimanche en début de soirée.
Avec Grinderman, Nick Cave, c’est de lui dont il s’agit, a fait la leçon rock à tous les apprentis. Intenable, épaulé par un groupe qui joue avec le feu, l’électricité, les décibels et l’énergie tellurique, l’Australien était parfaitement à sa place sur cette vaste Main Stage alors qu’on aurait pu le retrouver casé sur celle du Marquee comme d’autres artistes pas assez fédérateurs.
Le temps d’un petit réglage sonore, et puis bang, « Mickey Mouse and the goodbye man » lance la charge des guitares en furie. Grinderman joue devant un grand drap écarlate. Le kit de batterie de Jim Sclavunos est tout rose, comme son costard. Les cinq minutes de retard sont vite oubliées : dès l’entame de « Worm tamer », on sait qu’on ne va pas s’ennuyer une seconde.
Nick Cave s’emmêle dans ses câbles, renverse tout sur son passage. Il prend le public à la gorge (et on est là presque au sens propre du terme), puis part chanter sous le nez des premiers rangs après un clin d’œil à Iron Maiden (« Ruuun to the hills », braille-t-il). Warren Ellis se jette par terre et balance ses maracas au loin (dommage, ça, c’est à chaque fois)… Le rideau rouge en dévoile un autre, couleur mercure, et le brasier ne s’éteint pas. « Heathen child » est dans la même veine : infernale !
Possédé, le bonhomme ? C’est certain. Et il faut bien ça pour se dire qu’on aura vraiment vécu quelque chose ce dimanche quand on lorgne vers la suite du programme. Mais chut, on a promis : pas de noms !
Didier Stiers