Gros coup de cœur de la rentrée, Other Lives accoste (enfin) le continent européen à bord de sa seconde frégate : un séduisant album baptisé‘Tamer Animals’. Entre symphonies orchestrées à la faveur d’un passé fantasmé et envolées futuristes du plus bel effet, Other Lives impose sa modernité. Embarquement immédiat.
La révélation pointe dès le premier tour de piste. On tient là un tout bon disque. Façonné en bande, mais pensé dans ses moindres détails par le méticuleux Jesse Tabish, ‘Tamer Animals’ a vu le jour dans une bourgade américaine d’Oklahoma, un petit village sans histoire répondant au nom improbable de Stillwater. Les cinéphiles mélomanes tiquent déjà. Oui, c’est bien ça : Stillwater, le fameux groupe popularisé par le ‘Almost Famous’ de Cameron Crowe. De là à prétendre qu’Other Lives est ‘presque célèbre’, il n’y a un pas qu’on serait tenté de franchir.
Déjà, ‘Tamer Animals’ renferme de belles fresques, de grandes chansons arrangées avec minutie et passion durant les 16 mois nécessaires à sa gestation. Autrement dit, c’est un gros bébé. Dans son berceau, on entrevoit une multitude de jouets : piano, harmonium, orgue, harpe, guitare, trompette, violoncelle, cor, mellotron, percussions et autres violons. Curieusement, cette débandade instrumentale ne condamne pas le disque aux portes de l’indigestion. Other Lives canalise ses pulsions orchestrales en aménageant subtilement ses arrangements : lumineux et luxuriants dans la grandeur (‘For 12’), sombres et sobres dans la contemplation (‘Old Statues’). Le souci de la mise en son est ici permanent, presque maladif.
Chanteur et multi-instrumentiste, Jesse Tabish ne laisse rien au hasard. Entouré de ses compagnons d’échappées, il tisse des harmonies vocales plantureuses, délicates manoeuvres de haute voltige. Comme si les barbes des Fleets Foxes prenaient les commandes de la fusée MGMT pour une virée plus psychédélique que cosmique. Dans ses ambiances, Other Lives rappelle également Midlake (‘Weather’) ou Sigur Ros (‘Heading East’) : autant de groupes contemporains capables de métamorphoser une mélodie en symphonie.
Le seul défaut d’Other Lives, finalement, serait de systématiquement renvoyer l’oreille à quelques références familières : clins d’œil immanquables à des idoles d’aujourd’hui et d’autrefois. Le groupe a beau emprunter des chaussées défrichées de part et d’autre, il parvient néanmoins à enrober les étiquettes et détourner l’attention. Et la route tracée par ‘Tamer Animals’ reste excitante. C’est tout ce qu’on demande.
Nicolas Alsteen
Other Lives – ‘For 12’