A l’école, à chaque remise du bulletin, les profs revenaient toujours avec cette même formule bateau: «Peut mieux faire». Eh bien, c’est ce sentiment qui prévalait durant le concert d’Anna Calvi hier à l’Ancienne Belgique. Celui d’une artiste au talent indéniable mais qui a donné l’impression de réciter par coeur ses chansons plutôt que de les vivre.
Il y a un an, Anna Calvi faisait la première partie de Grinderman dans cette même AB. Quelques mois plus tard, elle revenait seule à la Rotonde pour y présenter son premier album, précédée d’une über-promo qui parlait alors de «nouvelle Jeff Buckley», entre autres. Ça faisait beaucoup de poids sur de si jeunes épaules. Et beaucoup de paillettes dans les yeux et les oreilles du spectateur lambda. Aujourd’hui que la hype est passée, on espérait voir Anna Calvi surchauffer l’AB de ses envolées lyriques… Mais le concert n’a jamais décollé, ou alors pour retomber sitôt à plat.
C’est comme si la performance avait été plus pensée, répétée que ressentie. L’émotion passant par trop de chemins de traverse, trop de montées et descentes inutiles avant de nous atteindre. Comme si la Calvi s’était dit que l’émotion passerait plus facilement en nous impressionnant. Elle nous a fait penser à une élève première de classe qui veut trop bien faire. Résultat, le masque n’est jamais tombé.
Certes, la demoiselle a un bel organe, mais: 1. elle en surjoue; 2. ce n’est pas non plus du niveau d’un Jeff Buckley qui avait compris que le chuchotement offrait parfois plus d’émotion que des envolées souvent maniérées à rendre jalouse Whitney Houston; et 3. on finit par se dire: «si seulement elle pouvait chanter comme elle parle! De cette voix à la fois douce, sexy et terriblement fragile». De fait, hier, on en arrivait à ce paradoxe, Calvi était plus touchante entre les morceaux que durant.
Bien sûr, on a eu droit à de belles choses, même si sans vraiment de surprise (l’album en entier et quelques reprises – Elvis, déjà joué à la Rotonde, l’excellent ‘Wolf Like Me’ de TV on the Radio rendu mou et prétentieux,…). On l’a dit, cette fille a un talent certain, elle a juste du mal à le canaliser. Du coup, les jolies chansons de son album furent par trop souvent noyées sous ces envolées-sirocco. Et rarement le groupe (en fait un batteur et une percussionniste-organiste à tout faire) n’est parvenu à suivre celles-ci et leur donner une autre dimension où au contraire, à ramener la demoiselle sur terre.
On espérait un concert blues et moite. On a eu une sorte de récital jazz grand public, le genre qu’on entend de loin, alors qu’on fait ses comptes.
Didier Zacharie
[youtube Zv7VZFau_h0]
michel
4 octobre 2011 à 10 h 35 min
Je vous trouve bien dur Mr Stiers … Pas le concert de l’année, certes, mais j’ai passé une très bonne soirée. Maitenant que, Dieu merci, la hype est retombée, il reste un excellent album, et une artiste qui nous réserve encore, plus que probablement, de bien belles choses.
Benoit
4 octobre 2011 à 11 h 34 min
Le concert de la Rotonde était largement supérieur, elle avait su imposer un silence de cathédrale au public. La salle était aussi plus petite, et le public sans doute plus respectueux – et pas “bobo” comme je l’ai vu écrire de manière méprisante, histoire de disqualifier sans aucun argument pertinent – que celui, assez lourdingue d’hier soir.
A l’avantage d’Anna Calvi, elle a réussi là aussi pendant un seul court moment à imposer ce respect silencieux. Incontestablement, sa musique a quelque chose du religieux, profane certes, mais spirituel sur le fond.
Je concède que certaines de ses envolées étaient plus techniques que ressenties, et c’est dommage (sa prestation solo n’était guère touchante en cela). En revanche, souhaiter qu’elle chante comme elle parle n’a aucun sens : si on veut du murmuré, autant écouter Stina Nordenstam ou toute autre chanteuse évanescente. La force de Calvi, c’est justement sa voix, profonde, lovée dans les détonations électriques de sa guitare.
MoriArty
4 octobre 2011 à 11 h 59 min
D’accord avec une partie de l’analyse, Miss Calvi doit encore apprendre à canaliser ses envolées, mais dire que “le concert n’a jamais décollé, ou alors pour retomber sitôt à plat”, effectivement, c’est assez dur.
L’immense majorité du public -entre enthousiasme et recueillement- ne semblait d’ailleurs pas partager cet avis ; peut-être n’avait-il pas commis l’erreur d’espérer un “concert blues et moite”….
ds
4 octobre 2011 à 13 h 49 min
@ Michel: Ben m… alors! Pour une fois que je n’ai rien fait, rien dit et rien écrit !
Michel
4 octobre 2011 à 16 h 04 min
@ds : sorry, je me suis arrêté au prénom du signataire, puis mon subconscient a fait le reste ;-)) vous faites suivre ?
cb
5 octobre 2011 à 10 h 36 min
1. Je pense qu’elle surjoue plutôt de sa timidité entre les chansons pour marquer le contraste avec la force des interprétations
2. Pourquoi lui demander d’imiter davantage Jeff Buckley alors qu’elle possède un style très personnel malgré les influences?
3. Quant à espérer l’entendre chanter timidement comme elle parle, c’est tout simplement aberrant… Ce ne serait plus Anna Calvi telle que son 1er album l’a révélée.