Tinariwen généreux dans l’effort

Passés y défendre leur nouvel album, Tassili, les Touaregs de Tinariwen ont hypnotisé l’Ancienne Belgique mercredi soir. Vous reprendrez bien un peu de désert ?

C’est de la musique de drogués, disent les parents un peu réacs à leurs gosses qui depuis cinquante ans s’évadent et lévitent en écoutant du rock à pétard. Les musiques planantes, celles qui nous emmènent ailleurs, nous, on les a rebaptisées musiques à serrage. C’est plus drôle, plus joli. Puis on aime bien l’idée que des artistes nous coincent la mécanique, nous dérèglent l’ordinateur.
Tinariwen, donc, c’est de la musique africaine à serrage. Le blues du désert. Le rock en turban et djellaba. Et c’est toujours une expérience. Culturelle. Physique. Spirituelle. D’abord il y a les voix dingues d’Ibrahim Ag Alhabib et de ses potes. Puis ces guitares qui évoquent la tradition et connaissent l’Occident. Guitares liées aux situations d’exil et d’errance du peuple touareg.
« J’ai un petit problème mais c’est pas une catastrophe, » lance l’un des musicos. Forcément. Leur dernier album, les mecs de Tinariwen l’ont fabriqué dans le désert du sud-est algérien. C’est pas l’Ancienne Belgique qui va les inquiéter. A l’image de ce disque, Tassili, enregistré uniquement à l’aide d’instruments acoustiques, le concert est moins rock que celui de Dour l’an dernier. Les Touaregs n’en ont pas pour autant oublié l’électricité. Longtemps arme de leur révolte, de ces chansons qui parlent de guerre, de paix et de solitude du nomade.
Comme dans tous les groupes à serrage, il y a un monsieur « selasse ». Un type qui danse, qui a l’air loin dans la forêt, et qui à part ça ne branle pas grand-chose. Un mec qui est là pour mettre l’ambiance. Comme Bez dans les Happy Mondays, Joel, le joueur de tambourin du Brian Jonestown Massacre ou le danseur fou paraplégique du Staff Benda Bilili.
Tinariwen, qui, généreux dans l’effort, joue une heure trois quarts, invite le Touareg bruxellois Anana Harouna du groupe Kel Assouf à venir chanter. Sympa. Il ne faut pas non plus s’étonner de voir des femmes danser et pousser leurs chœurs traditionnels. Dans la culture Tamashek, la femme est le pilier de la société. Un proverbe dit même qu’elle est le pantalon de l’homme. Que sans elle, il est nu, il n’est rien. Certains instruments lui sont d’ailleurs réservés. Fameux dépaysement que ce concert. Ce matin, j’en ai retrouvé du sable dans mes chaussures…
Julien Broquet


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