Justice est fête ?

Sorti lundi, le nouvel album des deux Parisiens est-il le Graal tant attendu ? Ou le duo s’égarerait-il à force de vouloir ressusciter des genres qu’il dit particulièrement affectionner ? Éléments de réponse, en toute subjectivité cela va de soi…

Telle une marque qui n’a même plus besoin de faire figurer son nom à côté du logo pour être identifiée, Justice nous revient avec un nouvel album planqué dans un boîtier vierge de toute écriture. Le nom du duo et le titre du disque figurent sur le cellophane, mais une fois celui-ci arraché (attends, c’est l’album de Justice, quand même, y’a comme une impatience), plus rien ! Nix ! Nada ! Même pas sur la tranche ou au dos de la pochette. Si ça ne sent un peu son Prince, période Love Symbol…

Pour le premier contact, reste donc l’illu, cette méga croix, latine en l’occurrence, posée dans un paysage de lande au ciel chargé comme un Delarue. En scrutant bien (en bas, à droite), on distingue à peine le duo, minuscule au pied du monument en béton qui a manifestement connu des jours meilleurs mais semble malgré tout avoir résisté aux outrages du temps. Un peu comme les bunkers de Mariakerke. Ou la Statue de la Liberté de La Planète des Singes.

“Audio, video, disco”

Un peu survivants, ou un peu anachroniques, Gaspard Augé et Xavier de Rosnay ? Les deux, mon général. Voilà en effet deux mecs devenus musiciens presque par hasard, intronisés sauveurs de la french touche avec leur album précédent, et qui changent aujourd’hui l’électro en rock FM de seventies. On le sentait venir avec les deux plages précédemment dévoilées (« Civilization » et « Audio, video, disco ») ; toutes les autres sont ici du même tonneau.

La rythmique de « Parade », du moins pendant deux minutes, c’est tout pompé sur le « We will rock you » de Queen. L’intro de « New lands », on dirait du Supertramp mâtiné de AC/DC. Il y a du Genesis qui traîne un peu partout entre les onze plages et la plupart des riffs que le tandem affectionne renvoient pareil au hard rock mais passé à la moulinette synthétique. Même le patron, Pedro Winter, confirme, citant à propos de « Brianvision » Steve Vai (là, on est déjà dans les années 90) et Giorgio Moroder.

“Civilization”

Bienvenue dans l’ère du recyclage final. Après tout, pourquoi pas ? On nous ressert bien les années 80 depuis des plombes. Le hic, c’est que hormis les deux plages déjà entendues et deux ou trois autres titres (« Helix », sorte de mini-symphonie barrée, ou la plage « cachée »), tout ça reste très entre les deux. Juste trop remuant que pour tout écouter assis, et pas assez dansant que pour foncer en direction du dancefloor le plus proche.

Le hic aussi, c’est qu’il se dégage de l’ensemble comme un parfum d‘inachevé. Autant on voit le béton sur la pochette, autant on devine le muscle dessous Mais on aurait peut-être aimé le sentir bandé un peu plus dans ces compos où l’épopée n’arrive pas souvent à son terme. Alors que le concept, lui, on le perçoit bien : ce disque est un trip, avec l’intro grandiloquente (« Horsepower ») et l’envoi final (un peu comme à la messe puisqu’il est question de croix), avec l’envoi final donc qu’est le single « Audio, video, disco ». Qui ne veut pas dire « Cassettophone, magnétoscope, on sort ce soir » mais bien « J’entends, je vois, j’apprends » dans cette langue morte chère à Bart DW.

Citation latine, concept, logo, marque de fabrique, coups médiatiques (comme le clip de « Stress », réalisé par Romain Gavras)… Où est l’art, là-dedans ? Xavier de Rosnay,lui, il sait ! En septembre, il confiait au magazine GQ : « Je n’aime pas trop l’idée de l’art pour l’art. Ce qui m’intéresse, c’est l’art appliqué à quelque chose, à des fins commerciales, au marketing. » Dieu reconnaîtra les siens…

Didier Stiers

Audio, video, disco (Ed Banger Records/Because Music/Warner) – */****
En concert à l’AB, le 5 mars 2012. Préventes à partir du 28 octobre.

Didier Stiers

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1 commentaire

  1. al

    27 octobre 2011 à 12 h 47 min

    Une des plus grosses deceptions de l’année… En même temps est-ce qu’on en attendait plus de Justice ?

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