C’était donc la fête au label Humpty Dumpty, hier soir au Botanique. Six concerts se sont enchaînés entre la Rotonde et l’Orangerie. Entre expérimentations sonores (ZOFT, Amute, K-Branding, South Of No North) et douces mélodies (Half Asleep et Clare Louise), les deux versants du label étaient bien représentés et la soirée fut réussie.
Première étape de la soirée: ZOFT. Pas le temps de prendre une bière qu’on entre directement dans le coeur du sujet. Bruitiste et carré, le coeur. La Rotonde, elle, reste ronde et dans la pénombre, seulement éclairée par quelques ampoules qui passent par les amplis de nos protagonistes et réagissent directement au rythme. Simple mais très efficace, ce jeu de lumières nous permet d’entrer directement dans la musique. Une musique dure et tendue, très structurée. A deux sur scène et quelques dizaines de pédales d’effets, ZOFT fait autant de bruit qu’un quintette et nous ramène un peu du côté de la scène noise du début des années 90 et du math rock. En tout cas, la soirée commence bien.
On enchaîne. Chaque artiste a droit a une demi-heure de set (un laps de temps suffisamment long pour développer son discours et suffisamment court pour éviter l’ennui qui risque toujours de pointer son nez), avec cinq minutes entre chaque groupe. Et devinez quoi? Les horaires seront presque respectés! On se dirige donc du côté de l’Orangerie pour y apprécier aMute, un breuvage bien mérité en mains, sauf que, Damn! «Il est interdit d’entrer dans l’Orangerie avec une boisson, monsieur!» – et après on s’étonne que le secteur des cafetiers soit en crise!
Qu’à cela ne tienne, aMute (il paraît que ça s’écrit Amute désormais, mais ça donne mieux avec le petit ‘a’) donc, finalement. Ou la solitude du professeur Bidouille. Car derrière ce pseudonyme en aM ou Am, au choix, se cache le seul Jérôme Deuson. Vraiment seul, juste entouré de ses synthé, ordi et autre boîte à sons. Si ZOFT était dur comme un bout de bois, la musique de aMute nage dans l’abstrait. Planant, sous-marin, déstructuré et opaque. Et seul au monde. Reste que notre homme parvient en fin de course à nous embarquer dans son trip personnel (c’était loin d’être gagné), avant de quitter la scène en balançant son clavier d’un coup de poignet tranchant. Et le petit synthé, qui il y a encore quelques secondes sortait des sons tout en gueules d’atmosphère, vole, vole, vole dans les airs avant de s’écraser comme un vieux faon sur le coin de la scène. Rideau.
On enchaîne sur la Rotonde avec… Ouch! Du lourd! K-Branding. En mode panzer, comme il se doit. Le début du set est simplement monstrueux. La tension monte lentement, chaque coup de tom basse nous arrachant le coeur avant la déflagration. Une puissance à détruire les murs. Dans la continuité du concert de Dour, le son est impeccable et le trio n’a jamais été aussi bon en live, maîtrisant son set de bout en bout et ne relâchant jamais la tension. On est carrément sur le front de l’est, là. Aucun applaudissement entre les morceaux, tout le monde reste médusé. C’est bien simple, dans ses meilleurs moments, le concert se rapproche de l’énergie qui peut se dégager d’un concert de Swans. Pas moins. Hier soir, K-Branding a fait autorité.
A quelques enjambées de là, l’Orangerie est dans la quiétude. Un videur rassure une dame: «C’est plus calme ici». Et de fait, Half Asleep est un duo piano-voix qui joue de très jolies mélodies, mais… Comment dire, on a beau être bien installés (l’Orangerie est en mode assis), il y a un truc qui ne colle pas. Vous savez ce qu’on dit: «Le silence après Mozart, c’est toujours du Mozart». Et bien de même, «le bruit d’industrie lourde après K-Branding, c’est toujours du K-Branding»! Du coup, on va passer sur Half Asleep pour aller se vider la tête. Sage décision.
On passe donc à South Of No North à la Rotonde. Ambiance zen, relaxe et aventureuse. La moitié des musiciens est affalée à terre, le grateux joue avec un archet, aucun ne moufte. Le quintette bruxellois joue un post-rock qui renvoie un peu au Pink Floyd du live à Pompeii et à Agitation Free, ce groupe allemand des années 70. Avec cette touche jazzy dans le jeu du (très bon) batteur qui donne sa couleur propre à l’ensemble. Bien foutu. On plonge rapidement dedans et la demi-heure de concert semble s’être passée à vitesse VV’. Au final, une fort belle découverte.
On arrive à la fin du parcours. Clare Louise, tête d’affiche et ambassadrice du versant calme du label. Clare Louise a beau être Française (et habiter à Bruxelles), sa musique nous fait penser à l’Irlande. On ne sait trop pourquoi. Les accompagnements aux violons et violoncelle, peut-être. Ce jeu de guitare tout en acoustique. Cette voix surtout, vrai atout de la damoiselle. Une voix qui, comme la musique, sent bon la terre. Dans le style Alela Diane. En tout cas, c’est très folk, dans ce sens que cette musique respire la nature et les grands espaces, les contes qu’on racontait au coin du feu et autres fantasmes. Et c’est sur ces douces mélodies un rien soporifiques – avouons-le – que nous reprenons la route.
Humpty Dumpty a fêté ses cinq ans de fort belle manière, en proposant les deux versants extrêmes de son catalogue. Un catalogue fort intéressant. Enfin, comme on dit dans ces cas-là: joyeux anniversaire, Humtpy Dumpty!
Didier Zacharie
www.zoft.be
www.amute.be
www.k-branding.be
www.halfasleep.be
www.southofnonorth.be
www.humptydumpty.be