My Brightest Diamond, diamant sur canapé

Le génie est comme le diamant. Il brille dans l’ombre. C’est toutefois la lumière, le feu brûlant des projecteurs que mérite aujourd’hui Shara Worden alias My Brightest Diamond.

Sorti il y a quelques semaines, son troisième album, All Things Will Unwind, est une petite merveille de disque, lyrique et onirique, inspirée par Nick Drake, Tom Waits, Roberta Flack, et les Violent Femmes… Une symphonie folk peuplée de trompettes, de clarinettes et de flûtes enchantées rappelant les livres-disques de notre enfance où les personnages étaient souvent incarnés par des instruments classiques un peu spéciaux propres à faire travailler les imaginations.

All Things Will Unwind est né d’une commande adressée à la multi-instrumentiste par le Lincoln Center For The Performing Arts, à New York, dans le cadre de sa série American Songbook. Ses chansons, Shara les a écrites tout spécialement pour la scène et l’ensemble yMusic. Un orchestre de cordes et de bois que s’arrachent les orfèvres de la pop et du folk tels que Björk, Rufus Wainwright, Antony Hegarty ou Bon Iver. « J’ai commencé par leur demander de me montrer tout ce qu’ils étaient les seuls à savoir faire, explique-t-elle devant une bonne bière belge. Le disque est empreint de chanson traditionnelle américaine mais si je voulais rester éloignée d’un truc, c’était de l’électricité. On avait eu du mal sur les albums précédents à mixer germes rock et instruments de chambre. La guitare électrique a souvent tendance à prendre le pas sur tout le reste. »

A 37 ans, Shara connaît la musique. Shara est fille d’une pianiste et d’un accordéoniste évangéliste pas trop borné qui lui offrait en son jeune temps le Thriller de Michael Jackson et des singles de Joan Jett. Elle a étudié l’opéra (« une extraordinaire et très complète forme d’expression artistique »). Puis aussi tourné avec Sufjan Stevens qui la distribue encore aujourd’hui sur son propre label, collaboré avec Laurie Anderson (madame Lou Reed) et donné de la voix sur Here Lies Love, l’album de David Byrne (Talking Heads) et Fatboy Slim consacré à Imelda Marcos. Ancienne première dame des Philippines. Elle a surtout déjà sorti deux albums : Bring Me The Workhorse (2006) et A Second Shark’s Teeth (2008). Le troisième a tout pour être celui de la consécration.

www.mybrightestdiamond.com

All Things Will Unwind, chez Asthmatic Kitty.

Le 28/11 au Stuk (Leuven).

Annie Clark et le miracle de St. Vincent

A une voyelle près, Annie Clark nous ramenait aux années new wave, aux dancefloors tremblant sous Sleeper In Metropolis et Our Darkness.

L’obscurité n’est, cela dit, pas de mise, sur Strange Mercy, sorti en septembre dernier. Pour son troisième album (après Marry me en 2007 et Actor en 2009), Annie alias St. Vincent a imaginé des chansons pop traversées d’influences diverses, y compris les plus ludiques. Alors que son disque précédent s’avérait très « théorique » (sic) parce que travaillé essentiellement à l’ordinateur, celui-ci est né des outils les plus simples et les plus classiques : sa voix, et une guitare.

Strange Mercy est un de ces produits d’artisan, sur lesquels se combinent par on ne sait quel prodige l’art et le fait main. Vous n’y trouverez ni coutures ni gros fil. L’artiste texane installée à Manhattan n’a conservé que les chansons sonnant « juste » dès la première écoute. N’allez pas en déduire qu’elle a fait œuvre de simplisme. Prenez un mid-tempo comme « Surgeon » : les prémisses sont vaporeuses, jusqu’à ce que les claviers donnent à la ballade des couleurs résolument plus baroques.

« “Surgeon” est ma préférée, assure la jeune femme, à cause de ce solo final un peu fou. Et puis aussi parce que c’est le premier texte écrit pour cet album. Je lisais le journal de Marilyn Monroe, notamment ce passage consacré à l’Actor’s Studio, quand elle étudiait à New York avec Lee Strasberg. Cette phrase m’a touchée : “Best finest surgeon, Lee Strasberg, come cut me open.” J’ai trouvé ça brillant, très beau. J’ai repris ce passage quasi tel quel. Il exprime un sentiment qui me parle. Vous savez, Marilyn était quelqu’un d’intelligent ! On l’a souvent décrite comme cette blonde idiote, mais non… Alors voilà, dans ce texte, j’ai mélangé des éléments de sa biographie avec d’autres de la mienne. »

Des noms un peu glamour, des patronymes évocateurs, on en croise quelques-uns, sur le CV de St. Vincent. Le poète Edward Estlin Cummings compte parmi ses références littéraires.

Comme Hemingway. Pour Actor et Strange Mercy, elle est à chaque fois entrée en studio avec McKenzie Smith, le batteur de Midlake. Annie s’est aussi amusée auRecord Club de Beck, à réinventer en douze heures le Kick d’INXS. Et pour l’heure, elle doit avoir avancé dans l’écriture d’un album commun avec David Byrne. Décidément un homme de goût…

www.ilovestvincent.com ; Strange mercy, chez 4AD ; Le 20/11 au Crossing Border Festival (Anvers).

Annie Clark alias St. Vincent a imaginé des chansons pop traversées d’influences diverses.
© dr.

Didier STIERS, Julien BROQUET

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