Il y avait le choix, hier soir, de l’autre côté du canal. Alors que l’Autumn Falls prenait ses aises au Magasin 4, le K-nal, quelques mètres plus loin, accueillait la Pias Nite. Avec deux excellents concerts-découvertes à la clé: à ma droite, la nouvelle princesse goth Anika; à ma gauche, les folkeux du grand large Other Lives.
A chaque jour que Dieu nous offre, ses peines, ses durs labeurs, ses craintes quant à l’incertitude du lendemain. Et puis arrive Anika. Et soudain, quelque chose se passe. On ne sait trop quoi, on ne peut le comprendre, mais on sent que quelque chose se passe. Et toutes les peines et les incertitudes du monde de s’effacer devant la beauté du moment.
Lecteur, pardonne l’emphase, mais c’est pas tous les jours! Reprenons. Annika Henderson, nom de scène Anika, est une jeune chanteuse anglo-allemande, par ailleurs également journaliste politique. Elle a été repérée par Geoff Barrow, M. Portishead et Beak>. C’est avec ces derniers qu’un album fut concocté, dans lequel se déploie tout un univers, celui d’Anika. Le disque a beau comprendre sept reprises (et du lourd! Dylan, Kinks, Yoko Ono,…) sur neuf titres, il n’est question que d’Anika, de son aura, et des fantômes qu’elle convoque de sa voix froide et distante. Et en premier lieu celui de Nico, évident. Mais revenons à ce concert.
Ça a débuté comme ça, sans qu’on s’en rende compte. Les musiciens jouent les mêmes trois accords depuis cinq minutes mais on n’est sûr de rien. L’incertitude. Puis, une demoiselle fend la foule et monte sur scène. Cheveux blonds au carré, peau blanchâtre, robe noire. Elle s’approche du micro et se met à chanter. Voix caverneuse, froide, distante. Le ton est minimaliste, la rythmique monolithique. Ça et là, on reconnaît quelques refrains – ‘I Go To Sleep’ des Kinks, ‘The End of The World’ de Skeeter Davis – passés dans une vague froide, impersonnelle et métallique.
Ça sent la vieille Europe industrielle des années 70 et c’est fascinant. Et quel meilleur endroit que le Magasin 4, son odeur de tôle rouillée et sa résonance macabre pour accueillir une telle prestation! Par moments, on jurerait se trouver devant Joy Division tapant le boeuf avec Nico à la Factory de Manchester. Le moment est merveilleux. La chanteuse ne dit mot, bouge à peine, mais a une présence hypnotique. Telle une grande prêtresse, elle abolit le temps et l’environnement. Et quand surgit ‘Masters Of War’ de Dylan, dans une version kraut-dub de dix minutes, on abandonne. L’Art gothique a retrouvé sa majuscule. On est à terre. Avec ce sentiment d’être enfin, après tout ce temps, au bon endroit au bon moment.
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Comment passer à autre chose après ça? Je vous le demande? Car à cinquante mètres du Magasin 4 se joue la Pias Nite, au K-nal. Autre ambiance s’il en est. Comme l’impression d’être totalement jet-laggé. Il faudra un groupe de haute tenue pour nous sortir de notre torpeur Anika. C’est pas gagné. Eh bien, ô miracle, alors qu’on peut passer des dizaines de concerts à crier famine, celui-ci sera (presque) dans la lignée du précédent.
Other Lives, qui prend la scène, est un groupe américain (de l’Oklahoma) qui vient de sortir son deuxième album « Tamer Animals ». Ils vont faire la première partie de Radiohead aux Etats-Unis, et on comprend pourquoi. Car Other Lives a des mélodies sous le coude. Et ouvre de grands espaces dans la tête de l’auditeur. Une sorte de Radiohead americana, pour faire court.
A cinq sur scènes, avec une base acoustique, les Other Lives créent des ambiances qui respirent les montagnes et le ciel haut. A cent-mille lieues du monde d’Anika, en fait. Mais on finit par rentrer dedans. On pense à Neil Young, à 16 HorsePower… et à Radiohead pour les mélodies et les envolées lyriques. Le chanteur a la pose du poète maudit, mais reste mesuré. Chaque chanson est matière à décollage et offre une grande bouffée d’oxygène. Et on ressort convaincu du voyage, persuadé qu’on n’a pas fini d’entendre parler d’Other Lives. Ni d’Anika. Ô Seigneur, quelle belle soirée nous as-tu offert!
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http://www.stonesthrow.com/anika
http://otherlives.com/
Didier ZACHARIE
Photo: Christopher HEUNINCKX
Vincent D.
24 novembre 2011 à 13 h 18 min
Formidable Anika, en effet!!
sarabande
24 novembre 2011 à 13 h 54 min
Anika pas si incroyable que ça. le son était vraiment pas terrible (comme souvent au magasin 4). avec même des larsens. et c’est là qu’on s’aperçoit que son 1er disque est une œuvre surproduite (magnifiquement) qui sonne très très bien sur une bonne chaîne mais beaucoup moins en concert à moins d’être dans des conditions pro.
Ben H
5 décembre 2011 à 15 h 08 min
Pour la qualité du son, je tiens à préciser que le groupe n’a pas pu faire de soundcheck ni utiliser son propre backline. Ceci peut expliquer cela.