C’est samedi qu’aura lieu la prochaine Leftorium. Soirée immanquable, vous diront les connaisseurs ! De fait : ils sont encore une fois de marque, les invités du trio organisateur animé par l’envie d’une programmation pointue et de qualité. Outre l’Allemand Tobias Thomas, pensionnaire à Cologne du label Kompakt, c’est Andrew Weatherall qui fera le déplacement jusqu’aux AA Docks !
Inauguré en février 2011, le concept des Leftorium est simple sur papier : des guests au cv irréprochable, une musique qui se démarque, oscillant entre house, techno et disco, pétrie d’ambiances plus pop ou rock (je cite), du visuel tout aussi soigné et un lieu exclusif. Encore faut-il ensuite arriver à concrétiser tout ça : les échos recueillis jusqu’ici indiquent la réussite de l’entreprise.
Samedi, c’est notamment Andrew Weatherall qu’on retrouvera aux platines. L’Anglais au cigare et à la moustache, dont la carrière démarre avec la toute fin des années 80, a remixé les Happy Mondays comme New Order et Björk, coproduit Primal Scream entre autres (Screamadelica), s’est manifesté avec ses Sabres Of Paradise (« Smokebelch », sur Warp…) et Two Lone Swordsmen, a sorti un premier album solo en 2009 (A Pox On The Pioneers) et, bien sûr, mixé avec goût et doigté dans une foule de genres. Bref, comme dirait notre ami Joharno, c’est pas « un dj en carton » ! Plus sérieusement : « J’aime tellement ce que je fais que je dois le faire comme un travail, confiait-il l’an dernier au magazine Dummymag. Je ne veux pas saloper la besogne. De plus, je ne sais rien faire d’autre. Sur un chantier, je ne survivrais pas une journée, à l’heure qu’il est. »
Pour l’heure, c’est Geoffroy, l’un des trois organisateurs mais aussi (et entre autres) moitié du duo Mugwump (également sur Kompakt), qui a répondu à nos questions…
Vous avez l’air d’insister sur le côté « belge » des Leftorium : « public flamand ET francophone », peut-on lire dans vos communiqués. Le souligner par les temps qui courent, c’est fait exprès ?
Du fait que nous soyons un trio d’organisateurs issus de Hal, Liège et Bruxelles, il se fait qu’on attire forcément un public mixte issu des trois Régions du pays. Et en effet, on peut constater qu’à Bruxelles, toutes les sorties nocturnes sont un peu cloisonnées linguistiquement. On est quand même une des rares soirées où ce n’est pas, mais alors pas du tout le cas. Ce qui correspond très bien à notre vision de la fête, ouverte et fédératrice, tant sur le plan humain que musical. Chez nous, il n’y a aucun ghetto musical, linguistique ou social. Et on insiste là-dessus, oui, car on en est tous les trois très fiers.
A ton propos, on a pu lire récemment dans « Sortie de route », l’inénarrable chronique de la nuit publiée dans Focus : « Personnalité night de l’année (…) Geoffroy Mugwump dont le nom sur un flyer correspond à l’assurance d’une soirée de musique électronique variée et plaisante, au service compétent et complice, au bon esprit à la fois pointu et fédérateur, au public mêlant vieux clubbeurs, gays, nerds, défoncés, freaks et snuls rigolards. Tout un esprit, précisément celui qui échappe à beaucoup d’organisateurs pour qui night rime surtout avec champagne, bling, frime, misogynie à peine larvée et DJ’s balançant au kilomètre de la purée nu-disco complètement tarte. » Tu es d’accord avec le commentaire concernant le « beaucoup d’organisateurs pour qui… » ? Y a-t-il assez de soirées de qualité à Bruxelles ? En Belgique ?
Je ne peux qu’approuver la première partie du commentaire vu qu’elle me concerne et que ça résume bien une partie de notre attitude en tant qu’organisateurs d’évènements. Pour ce qui est des autres organisateurs, je peux te dire que chacun fait ce qu’il peut et que c’est assez compliqué comme ça à mettre sur pied pour que j’aille donner des bons ou mauvais points à des collègues (ou pas). On essaie juste humblement de créer un climat et une atmosphère où les gens peuvent expérimenter à 100 % la fête et la musique électronique comme elle devrait être vécue.
Andrew Weatherall, c’est un grand nom, et pas question de remettre en cause sa présence, mais jusqu’où colle-t-elle au concept de programmation ultra pointue des Leftorium ?
Andrew Weatherall est peut-être l’un des dj’s les plus pertinents à programmer à Leftorium. Au départ du concept, j’ai choisi le nom Leftorium car c’est un terme qui qualifie des magasins d’accessoires uniquement designés pour des gauchers. Et en musique, jouer « à gauche » ou « leftfield music », ça veut dire être original, pas carré. On veut vraiment proposer une musique électronique un peu plus originale que ce qu’on peut trouver quasi partout, et comme une alternative à des sets linéaires pétris de musique générique qui provient chaque fois du même moule, celui du son du moment, que ce soit en techno, disco ou house… Et rien que le parcours d’Andrew, qui a soigneusement et continuellement évité de capitaliser financièrement sur des tendances dont il a pu être le chantre ou le porte-voix, et qui s’est réinventé à chaque fois, est un exemple pour tous les dj’s et producteurs qui veulent uniquement coller à un « son ». Pour l’instant, il est en plein dans une sorte de disco cosmique plutôt rock et barré, mais pour l’avoir vu récemment à Fabric ou Lille, je peux te dire qu’il est extrêmement pointu et que je passe la soirée à noter ce qu’il joue. Il passe de la house, de la techno et du disco, hyper variés et originaux. Donc oui, on est en plein dans le mille pour Leftorium, après Ivan Smagghe, Kiki, Jo Saurbier ou Tobias Thomas de Kompakt qui revient déjà nous voir aussi…
Didier Stiers
Leftorium @ AA Docks, de 23.00 à 06.00, boulevard International 7, 1070 Bruxelles.
Infos : www.leftorium.be.
Andrew Weatherall vs. Ivan Smagghe – Karnival’s 5th b-day (Edinburgh)
“Über Wiesen” (Tobias Thomas & Michael Mayer – “Kompakt – Total 8”